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Conversation avec Alfred Almendra (Coach agile). Aussi sur Youtube.

Dans cet épisode, on vous parle de l’agilité sous toute ses coutures ! Qu’est-ce que l’agilité ? D’où vient-elle ?
Est-ce une méthode ? Une philosophie ? Une boite à outils ?
Est-ce qu’elle est utilisée autre part que dans le développement informatique ?
On fait également le lien entre l’agilité et le management, notamment les méthodes de management modernes.

Un épisode passionnant, aussi bien pour ceux qui manipulent l’agilité chaque jour, que pour les novices ! C’est également l’occasion pour des manager ou des dirigeants de trouver des réponses à des questions relatives à la gestion de l’humain, ou à l’organisation du travail.

Si l’épisode vous a donné l’envie d’en savoir plus, voici des ressources externes complémentaires. Certaines sont citées dans l’épisode :

Ressources

L’agilité ailleurs que dans l’IT

Origines de l’agilité

Histoire de l’agilité

Pratiques & méthodes agiles

Coachs agile et coachs en management

Transcription de l’épisode

[00:00:00.180] – JS Klein

Agile, c’est le mot magique qu’on entend sur toutes les lèvres, associé avec sa fameuse méthode agile. Dès qu’une situation problématique se présente, la solution, c’est d’être plus agile. Mais ça veut dire quoi, « être plus agile » ? Aujourd’hui, on va tenter de démêler et d’expliquer l’agilité. On va revenir sur ses principes et ses origines et on va s’intéresser particulièrement aux liens qui existent entre l’agilité et le management. Pour en parler, je reçois Alfred Almendra. Alfred est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

[00:00:47.630] – Alfred Almendra

Bonjour, d’abord, merci pour l’invitation. Je suis Alfred Almendra. Je suis consultant indépendant sur les démarches Agiles, ce qu’on appelle communément un « coach agile » et j’interviens à la fois pour de la formation et de l’accompagnement, que ce soit sur l’agité appliquée à la gestion de projet, au management, à la fluidification des processus et à l’innovation entrepreneuriale.

[00:01:06.860] – JS Klein

Alors, on va parler d’agilité. Déjà, ce qui serait bien pour tout le monde comprenne de quoi on parle, c’est qu’on essaye de définir ce qu’est l’agilité et qu’on remette les bons mots aux bons endroits. Quand on parle d’agilité, déjà pour toi, à quoi ça répond ?

[00:01:21.040] – Alfred Almendra

Alors, d’une certaine manière, dans n’importe quelle organisation, n’importe quelle entreprise, il y a d’un côté ce qu’on peut appeler l’exploitation, c’est à dire quelque chose qu’on connaît déjà. En général, c’est ce qui nous paye aujourd’hui, ce qui nous fait vivre aujourd’hui. Et ça, c’est quelque chose qu’on essaye de standardiser et d’optimiser, de répliquer, dupliquer, etc.

[00:01:37.040] – JS Klein

Ce que l’on va parfois appeler l’opérationnel aussi…

[00:01:39.680] – Alfred Almendra

Exactement, l’opérationnel, c’est le business as usual, c’est vraiment l’existant. Et puis, de l’autre côté, on a une partie plus d’exploration, de découverte, qu’on appelle aussi maintenant d’innovation ou de progrès. C’est quelque chose qu’on ne connaît pas encore et c’est ce qui nous fera peut-être vivre demain, peut-être qui fera juste qu’on existera encore demain. Et là, on cherche à découvrir, à dérisquer, à faire émerger quelque chose de nouveau ou de différent.

[00:02:03.870] – JS Klein

Du coup, l’agilité pour toi est plus sur cette deuxième notion, sur la partie exploration, puisque l’opérationnel, finalement, c’est quelque chose qui tourne. On a l’habitude, on a nos habitudes, notre culture, on sait avancer dessus. Par contre, dès qu’on veut aborder des nouveaux sujets, il y a cette notion d’incertitude qui arrive. Et donc, dès qu’on parle d’incertitude, c’est là où l’agilité a de la valeur.

[00:02:23.840] – Alfred Almendra

Exactement. C’est à dire que sur la partie découverte, on sait qu’on ne sait pas tout. On sait qu’on ne connaît pas encore demain. Et donc, l’idée, c’est que l’agilité est une bonne réponse à quelque chose, à la découverte de quelque chose qu’on ne connaît pas. Donc, c’est une bonne réponse pour faire face à l’incertitude et que ce soit appliqué, par exemple, au niveau du business, découvrir un nouveau modèle économique, que ce soit sur l’adéquation produit-marché. Qui paiera pour quoi demain ? Sur les usages des utilisateurs, sur l’adoption, la conduite du changement, sur la complexité des problèmes à résoudre, sur la performance d’une équipe, par exemple, sur la qualité aussi ou sur la qualité de vie au travail. Bref, dès qu’on veut améliorer quelque chose et qu’on ne sait pas trop vers quoi on va et bien, l’agilité est une bonne réponse pour faire face à cette incertitude.

[00:03:05.330] – JS Klein

Quand on parle d’agilité, on voit souvent ça en gestion de projet. Finalement, ça s’applique à tout un tas de problématiques. C’est ce que tu dis, dès qu’il y a de l’incertitude quelque part, on peut faire appel à l’agilité. Si on creuse un peu ça : moi, j’ai un passé qui est plutôt dans l’IT. J’ai souvent vu des équipes agiles. On en parlait beaucoup et quand on parle d’agilité, on le voit beaucoup sur les projets informatiques. Est ce que c’est réellement quelque chose aujourd’hui dans le monde professionnel, qui est utilisé dans d’autres secteurs ?

[00:03:36.890] – Alfred Almendra

Effectivement, le mot agile est souvent étiqueté avec le côté IT et c’est normal par rapport à l’historique. Maintenant, si on remonte sur les fondamentaux de l’agile et sur l’histoire de l’agilité, ça vient de d’autres secteurs que l’IT. Et aujourd’hui, on le retrouve, on retrouve l’agile dans plein d’autres secteurs. Pour donner quelques exemples : Il y a un exemple dans l’automobile avec Wiki Speed, qui a appliqué les principes de l’eXtreme Programming, et ça s’appelle maintenant l’extreme manufacturing. Ça fait une petite dizaine d’années. On le retrouve dans l’éducation, par exemple au travers de EDUSCRUM en Hollande, mais ce n’est pas le seul exemple.

[00:04:10.550] – JS Klein

Je mettrai les liens dans la description du podcast sur le site. Comme ça, tout le monde pourra les retrouver.

[00:04:15.350] – Alfred Almendra

Absolument. Ils sont en ligne, ils sont documentés. On le retrouve dans les processus d’achat, d’approvisionnement, avec le Lean Agile Procurement. On le retrouve dans l’innovation, dans l’entrepreneuriat, avec la démarche du lean startup. En fait, aujourd’hui, il n’y a pas un secteur, un endroit, un domaine de compétence en particulier sur lequel l’agité ne s’appliquerait pas. Dès qu’on pense qu’on peut faire mieux ou dès qu’on souhaite faire mieux, mais on ne sait pas trop comment, l’Agilité a une forme de réponse et ça peut être dans la gestion de projet, mais pas que.

[00:04:41.420] – JS Klein

Quand on a des entrepreneurs ou des dirigeants qui disent cette fameuse phrase, « il faut être plus agile ». Est-ce que derrière, ça sous-entend tout ce qu’on vient de voir, c’est à dire un certain nombre de concepts ou de méthodologies liées à l’agilité ? Ou c’est quelque chose qui est plus vague sur un besoin de flexibilité, un besoin d’adaptabilité ? Est-ce que c’est des choses qui sont précises ? Est-ce qu’ils ont besoin de méthodes ? A ton avis, comment on peut répondre à cette question-là ?

[00:05:10.010] – Alfred Almendra

C’est un très bon point. Effectivement, tu as cité le mot de l’adaptabilité, ce qui est peut-être le meilleur synonyme pour le côté agile et une des clés très fortes en agilité, c’est le délais. C’est à dire que plus on arrive à faire des petits pas, plus on arrive à se rendre adaptable. Alors, je vais vous proposer une grille de lecture sur trois niveaux pour essayer d’y voir plus clair sur ce qu’on appelle l’agilité. D’abord, un premier niveau qu’on appelle le Mindset : l’état d’esprit, la philosophie, la démarche, la posture. C’est à dire comment est ce qu’on fait les choses ? Avec quelle intention ? Ensuite, un deuxième niveau qu’on peut appeler les méthodes. Moi, j’aime, j’aime bien appeler ça les méthodes sur étagère, des méthodes agiles, il en existe plein.

[00:05:46.610] – JS Klein

C’est ça. Ce n’est pas la méthode agile…

[00:05:48.110] – Alfred Almendra

Exactement.

[00:05:48.500] – JS Klein

On entend souvent parler : « il faut utiliser la méthode agile », mais en fait, il n’y a pas une méthode. Il y a différentes méthodes qui s’adaptent en fonction d’un contexte.

[00:05:55.580] – Alfred Almendra

Absolument. C’est tout à fait normal que quelqu’un qui commence à découvrir l’agilité parle de la méthode agile. C’est le premier réflexe. Et puis finalement, en creusant, on va découvrir qu’il y a DES méthodes agiles. Et pour les plus connues, on peut citer SCRUM, l’eXtreme Programming, DSDM, Crystal Clear, Lean Software Development, et j’en passe et des meilleures. Il y en a une petite vingtaine pour les plus connues. Et puis surtout après, il y a tout ce que les entreprises mettent en œuvre et qu’elles vont ensuite documenter et partager avec le reste du monde. Et ça fait autant de méthodes. Ce qui est intéressant avec les méthodes sur étagère, c’est qu’elles existent et permettent de démarrer rapidement. L’inconvénient, c’est qu’elles ne sont pas directement adaptées au contexte. Mais c’est pas grave, on peut l’améliorer dans le temps. Maintenant, ça, c’est le deuxième étage. Le troisième, c’est celui des techniques et des pratiques, les outils, etc. Et là, pour moi, le l’Agilité, c’est une boîte à outils infinie. On me dit des fois que les agilistes sont des Bob l’éponge, c’est à dire qu’ils vont regarder dans d’autres secteurs, d’autres domaines, des bonnes pratiques. Ils vont un petit peu se les digérer, les faire à façon. Et puis finalement, ça va étoffer la boite à outils agile. Et donc, si on comprend ces trois niveaux, il y a quelques messages qu’on peut en déduire. On peut être agile avec le bon mindset sans forcément utiliser telle ou telle méthode. On peut très bien utiliser des méthodes, des techniques agiles avec le mauvais mindset et ça ne marche pas. En tout cas, ça sera vite limité. L’idée, c’est vraiment, une fois qu’on a cette grille de lecture, de comprendre quelle est la philosophie de la démarche pour, après, aller faire son marché dans les méthodes, les techniques, etc.

[00:07:14.540] – JS Klein

Je voudrais juste appuyer sur ce point là parce que souvent, ce que j’ai pu constater, c’est que les méthodes dont tu as parlé. Elles sont décrites. C’est un peu des recettes de cuisine et j’ai souvent vu dans les entretiens d’embauche, dans des équipes avec lesquelles on a travaillé, des gens qui appliquaient les méthodes comme une recette de cuisine, sans réellement comprendre la philosophie sous-jacente. Et finalement, ça ne fonctionnait pas. C’est à dire, si on prend l’exemple de SCRUM, il y a un certain nombre de rituels. Il y a un rituel qui s’appelle la rétrospective, qui permet de faire du feedback et qui nourrit une notion d’amélioration continue. Et ils faisaient sauter ce rituel parce qu’ils ne comprenaient pas à quoi il servait. Sur les trois niveaux que tu citais, le côté Mindset, la Méthode et ensuite plus la technique, la boîte à outils, c’est important d’avoir ce premier niveau qui est de bien comprendre la philosophie avant d’appliquer la recette. Parce que sinon, en fait, c’est comme si je prenais n’importe quelle recette dans un bouquin de cuisine, mais que je ne comprenais pas le plat que je suis en train de faire. C’est à dire, j’ajoute les ingrédients sans savoir où je veux aller à la fin. Comment toi tu agis pour plus insuffler cette philosophie agile dans les équipes avant de leur parler de méthode ?

[00:08:17.360] – Alfred Almendra

C’est un très bon point avant de répondre à la question. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on ne peut pas apprendre à la place des autres. Il y a bien deux mots différents : « enseigner » et « apprendre ». Je peux enseigner ce que je veux, mais je ne peux pas apprendre à la place des autres. Donc, effectivement, il se trouve qu’il y a des techniques. Il y a des jeux qu’on appelle des jeux sérieux, les jeux agiles. Il y a tout un tas de techniques participatives qui permettent de mettre les gens en situation, ce qui permet à ces personnes de prendre du recul, d’observer ce qui se passe et de pouvoir faire ensuite le lien entre le jeu fictif, le jeu sérieux et leur réalité, histoire qu’il prenne du recul. Alors moi, sur le Mindset, je parle souvent de fausses croyances ou d’hypothèses profondes erronées, c’est à dire que tous les jours, les gens font bien leur travail et essayent d’optimiser leur travail sur la base de certaines hypothèses. Si je fais ci, ça fait ça. Et lorsqu’ils participent à des jeux agiles qui les mettent en situation face à de l’incertitude, face à de la collaboration, face à l’amélioration continue, etc. Eh bien, ils découvrent que certaines de ces hypothèses sont malheureusement erronées ou qu’elles sont juste sous certaines conditions. Et quand on est dans l’incertitude, ces conditions ne sont pas réalisées et là, ils prennent du recul pour justement changer le Mindset.

[00:09:25.160] – JS Klein

L’idée, si je dois reformuler, c’est de dire que plutôt que d’expliquer la philosophie, tu la fais expérimenter…

[00:09:31.820] – Alfred Almendra

Exactement

[00:09:32.240] – JS Klein

… et par l’expérimentation, tu veux que les personnes ancrent un certain nombre d’éléments philosophiques autour de l’agilité et finalement, comprennent mieux les méthodes.

[00:09:41.180] – Alfred Almendra

Exactement. C’est à dire que ça touche d’abord l’émotionnel et les tripes, c’est à dire qu’ils vivent la situation. Alors pour donner quelques exemples, pour que ce soit très concret : les gens redécouvrent quelque chose qu’ils connaissent déjà, c’est qu’on ne peut pas prévoir les imprévus. Mais c’est pas grave. On peut apprendre à les gérer et on peut être de plus en plus adaptable pour les gérer au mieux. Un imprévu, ce n’est pas grave en soi. S’il arrive tard, ça peut être un problème : je n’ai pas le temps de me rattraper. Par contre, s’il arrive tôt, ça peut devenir une opportunité. Le fait de mettre les bons mots sur les bonnes situations que les gens ont vécu, c’est ce qui leur permet ensuite effectivement de mieux apprendre et de prendre le recul nécessaire. Il y a aussi un petit jeu sémantique puisque des fois, par abus de langage, on utilise certains mots à tort et à travers, ce qui n’est pas grave en soi. Mais si on ne sait pas le décrypter, malheureusement, on peut trébucher.

[00:10:24.560] – JS Klein

Si on fait un peu le bilan de ce qu’on vient de se dire dans cette première partie, ce qu’on voit, c’est que l’agilité, c’est quelque chose qu’on va utiliser dès qu’on est dans un contexte incertain. Qu’on doit explorer. Ce n’est pas la méthode agile, c’est tout un tas de bonnes pratiques. C’est une philosophie, c’est des méthodes. C’est finalement tout un panier. Et finalement, pourquoi – par rapport à la question qu’on se posait au départ, il faut être agile – pourquoi c’est si dur à mettre en place ? Pourquoi les équipes ont du mal à rentrer là-dedans alors que ça a l’air d’être juste du bon sens et pragmatique ?

[00:10:55.440] – Alfred Almendra

Peut-être une clef de lecture, une première réponse à cette question pour comprendre en quoi ça peut paraitre si difficile ou ambigu c’est de revenir un peu sur l’historique. Alors, je précise que je ne suis pas spécialiste de l’historique de l’agilité. Je peux quand même apporter ma pierre à l’édifice. Moi, ce qui me frappe dans l’histoire de l’agité, c’est le côté empirique. Par exemple, à l’origine, ce ne sont pas des personnes, des équipes, des entreprises qui se sont dit « tiens, on va adopter l’agitée ou on va la construire ». C’est plutôt des gens qui, tous les jours, essayaient d’améliorer leurs conditions, d’améliorer la façon de travailler et qui ont fait un peu, j’allais dire, un peu avec le système D, un peu maladroitement, on fait émerger, grandir, l’agilité en explorant des manières de faire mieux et de progresser. Et ils l’ont partagé avec d’autres. Et d’ailleurs, les signataires du Manifeste Agile, le document qui fait un peu référence, le document de 2001. Et bien, la première phrase, qui pour moi est peut-être la plus importante, dit que « ils découvrent comment mieux développer des logiciels par la pratique et en aidant les autres à le faire ». Ça veut dire qu’ils placent cette idée d’amélioration continue tout en haut de leur manifeste, avant même les 4 valeurs et 12 principes. Et si on regarde un peu plus les racines de l’agilité, en fait, on peut voir tout un tas de pratiques dites empiriques, tout un tas d’approches qui ont un peu les mêmes racines et les mêmes fondamentaux. Alors je vais en citer quelques-unes pour donner quelques mots clés.

[00:12:15.030] – JS Klein

Parce que c’est vrai qu’effectivement, c’est important de s’intéresser à l’historique quand on parle de l’agilité, on a l’impression que c’est un truc à la mode qui est sorti à 5 ans et tout le monde a ça dans la bouche. Mais finalement, c’est beaucoup plus vieux que ça. Donc dans les exemples que tu as quand on a préparé l’épisode. Là, on a des choses qui remontaient très loin et qui sont considérées comme des approches agiles.

[00:12:33.780] – Alfred Almendra

Absolument. Le réflexe, souvent, les gens découvrent l’agilité en me disant : « Regardez mes équipes IT sont agiles, vous aussi, devenez agiles ». En fait, on peut citer des approches comme le lean manufacturing, comme l’approche de Toyota, comme l’expérience utilisateur, comme le design thinking. Et c’est des choses qui remontent bien avant les années 2000. l’Agilité a fait beaucoup parler d’elle grâce au Web et le Web a beaucoup progressé grâce à l’agile. Donc, effectivement, on peut remonter bien plus loin sans remonter à des courants de pensée comme le pragmatisme il y a plusieurs siècles. Si on se limite au XXème siècle, on peut déjà remonter sur l’histoire de Toyota. Je trouve très intéressant de revoir la naissance de l’entreprise Toyota. D’ailleurs, on pourra mettre un lien pour une petit vidéo de 15 minutes en ligne.

[00:13:16.240] – JS Klein

Je la mettrai oui.

[00:13:17.070] – Alfred Almendra

Et en fait, si on remonte à la fin du XIXème siècle, il y a un peu plus de 100 ans. Et bien, Sakichi Toyoda, qui est jeune, qui a une vingtaine d’années, voit sa mère en train de faire des métiers à tisser, en train de construire du textile. Et en observant ça, il observe des tâches manuelles répétitives. Il met au point de l’automatisation. Jusque-là, très malin. En fait, il découvre que cette automatisation, quand tout va bien, c’est très bien, et dès qu’il y a un fil qui casse, dès qu’il y a une erreur, eh bien finalement, le système automatique va produire plus de dégâts que si c’était manuel. Et là, il va avoir l’intuition de ce qu’on appelle aujourd’hui – alors ça porte différents noms – ce qu’on appelle le système du Jidoka. Ce qu’on appelle la technique du Andon, c’est à dire le fait que l’automate est intelligent. C’est à dire qu’on place l’humain au cœur de la machine, et notamment le métier à tisser, va détecter automatiquement que le fil  est cassé, va s’arrêter, et va alerter pour qu’un humain vienne réparer et que tout puisse repartir sur de meilleurs rails. Donc, quand il met en place ça – alors il va faire énormément d’itérations – et en quelques décennies…

[00:14:16.890] – JS Klein

Tu peux redéfinir itération ? Parce que c’est un mot que tout monde n’a pas en tête…

[00:14:19.710] – Alfred Almendra

Exactement – en quelques étapes d’amélioration, c’est à dire qu’il va faire des essais. Il va construire de nouveaux métiers à tisser, il va en produire un certain nombre, qu’il va vendre aussi. Et en quelques décennies, ces métiers à tisser vont connaître un essor incroyable, vont augmenter, décupler la productivité, vont améliorer grandement la qualité et ils vont limiter les gaspillages. On ne gaspille pas du fil pour rien. Donc, en quelques décennies, Sakichi Toyoda va faire un truc incroyable sur les métiers à tisser. Et puis, à partir des années 1930, l’entreprise va se réinventer. Donc, effectivement, l’industrie textile est en berne au Japon à cette époque-là et il fait un voyage aux États-Unis. Il voit l’essor de la voiture individuelle et il a une sorte de révélation. Il se dit « L’avenir pour mon entreprise, c’est l’industrie automobile ». Et donc Toyota, qui n’était pas de ce secteur-là, va se réinventer constructeur automobile. D’abord sur la partie moteur et puis ensuite sur la partie voiture. Et en fait, les principes vont rester. C’est à dire que ce principe d’automates intelligents, tout ce qu’a fait Toyota, ils sont allés le chercher aux Etats-Unis en regardant ce que faisaient les autres. Mais ils n’ont pas fait ce que j’appelle un bête copier-coller. Ils ont fait un copier-coller intelligent, c’est à dire qu’ils ont regardé ce qui marchait et ils ont regardé comment l’appliquer intelligemment à leur contexte.

[00:15:32.610] – JS Klein

C’est à dire qu’il a pris ce que faisait Henry Ford et il a pris ce qu’il avait appris sur ses métiers à tisser, sur son automate intelligent, et il a fait un peu le shaker avec tout ça pour créer les premières usines Toyota…

[00:15:43.900] – Alfred Almendra

Oui, et d’ailleurs pas que Ford, il y avait d’autres constructeurs et je crois qu’un de ceux dont il s’adapte, je crois que c’est Chrysler. Je n’en suis pas sûr, mais en tout cas, effectivement, il va regarder ce qu’ils font. Alors, l’automatisation, c’est bien, ça permet plein de choses. Les entreprises américaines ont fait ce qu’on appelle de la massification, c’est à dire que plus j’en fait à la minute en masse, plus le coût unitaire de chaque pièce va baisser.  Et ça, c’est très intelligent, très, très, très malin. Mais attention, ça ne marche qu’à une seule condition, c’est qu’à la fin, on est sûr d’écouler les ventes. Et une des choses qui va apparaitre – alors, ce n’est pas directement Sakichi je crois, c’est plutôt son fils il me semble Kiichiro Toyoda, qui va observer ce qu’on appelle les gaspillages et notamment, il va découvrir la surproduction. À l’époque, ce n’est pas encore complètement flagrant, mais lui, il observe que parfois, on baisse le coût unitaire en massifiant, Mais on produit de la surproduction qu’on n’arrive pas à écouler. Et le Japon, c’est une île. Il y a peu de marchés, il y a peu de ressources. Plus tard. C’est un pays qui sera ruiné par la guerre. Dans une entreprise Toyota qui est en grande difficulté financière : on n’a pas les moyens de gaspiller des ressources qu’on n’a pas pour ensuite surproduire et ne pas vendre auprès d’un marché qui n’existe pas. Ce n’est juste pas possible. Et c’est cette contrainte-là, ces contraintes-là qui vont peut-être être en fait la plus grande opportunité pour Toyota, puisque ça va les aiguiller sur le fait d’améliorer les choses, mais non pas pour massifier comme les Américains, mais pour faire ce qu’on appelle la production, la juste production juste à temps. C’est à dire produire les bonnes choses avec les bons moyens, sans gaspiller et en étant tous les jours dans une logique d’amélioration continue.

[00:17:12.820] – JS Klein

Et ça, on était déjà dans une philosophie agile telle qu’on l’a définie avant. Face à l’incertitude sur sa production, sur ce qu’il va pouvoir écouler, donc, il a besoin de s’adapter en permanence à cette incertitude.

[00:17:27.460] – Alfred Almendra

Exactement, ces deux piliers-là, très forts chez Toyota, qu’on appelle d’un côté le juste à temps et de l’autre côté, le jidoka, c’est à dire l’automatisation intelligente. Ces deux piliers-là, on les retrouve bien sûr dans l’IT et on les retrouve dans plein d’autres secteurs qui mettent en place les démarches agiles. Absolument.

[00:17:43.960] – JS Klein

Ça a bien marché pour Toyota. Ça a été fait de façon intelligente. Il a eu des très bons résultats à côté et ça a été repris par d’autres et finalement, est-ce que ça a fonctionné ? Est-ce que le fait de reprendre ce que faisait Toyota a pu être porté sur d’autres entreprises ?

[00:17:58.730] – Alfred Almendra

Alors je vais donner un exemple très parlant je trouve, spécifique à l’IT d’abord. Si on regarde la technique du Andon, c’est à dire le fait que l’automate détecte automatiquement une erreur et alerte l’humain pour mobiliser les troupes, et bien dans l’IT, il y a quelque chose qu’on appelle l’intégration continue. Et notamment ce qu’on appelle aussi une PIC, c’est à dire une plateforme d’intégration continue. Et cette plateforme, elle passe son temps à rejouer toute la batterie de tests automatiques qui ont été produits par les développeurs. Et ces tests ne sont pas là pour garantir que tout va bien. Ils sont là pour détecter le moindre défaut le plus tôt possible. Et dès qu’un test est rouge, c’est à dire dès qu’un test est en échec, et bien ça lève une alerte qui fait que les équipes se mobilisent. Elle arrête ce qu’elles sont en train de faire. Elles arrêtent de produire la suite pour se concentrer d’abord sur le fait de réparer ou de comprendre ce qui ne va pas ? Est-ce que le test est encore d’actualité ? Est-ce que le code est caduc ? Est ce qu’il y a une incohérence ou un impact, un effet de bord, etc.

[00:18:55.900] – JS Klein

Ça, c’est un point. On le voit sur Toyota, on le voit sur cette logique d’intégration continue. Mais il y a une notion philosophique derrière, qui est l’erreur comme élément d’amélioration continue. Quand j’ai vu un certain nombre de projets qui prenaient l’eau et notamment qui essayaient de faire de l’agilité, mais qui prenaient l’eau, c’est parce qu’on ne considérait pas l’erreur comme étant un élément structurel du projet et qui allait nourrir le projet. Et au contraire, on essayait de supprimer les erreurs. Est-ce que finalement, ce qui a fait que chez Toyota, ça a marché, c’est que lui essayait de comprendre pourquoi il y avait des erreurs et donc à chaque fois d’améliorer les choses. Et finalement, dans toutes les autres boites, on essaye d’éliminer l’erreur.

[00:19:35.710] – Alfred Almendra

Oui, effectivement, je vais me permettre un petit raccourci et une vue un peu simpliste, un peu binaire, manichéenne des choses : d’un côté, l’erreur peut être vue comme source néfaste, comme problème, et les gens n’aiment pas les problèmes et ça peut très vite conduire à « j’éteins des feux en permanence. Je mens, je triche ou je cache ou je jette la faute à l’autre pour enlever la responsabilité ». Et même dans le meilleur des cas, on passe notre temps à corriger des erreurs. De l’autre côté, on peut voir chaque erreur comme l’opportunité incroyable d’améliorer le système qui a produit cette erreur. Et ce n’est pas de l’améliorer pour dire « je corrige le problème », c’est de l’améliorer pour comprendre toutes les causes, tous les facteurs de causes, qui ont fait que le système a permis, a laissé, apparaître cette erreur. Chez Toyota, il y a quelque chose qu’on appelle aussi l’investissement proportionnel. Je crois que le terme n’est pas directement d’eux, mais par exemple dans le courant du lean startup, c’est à dire l’agilité ou le lean appliqué à la démarche entrepreneuriale, et bien, il y a ce qu’on appelle l’investissement proportionnel. C’est à dire qu’à chaque fois qu’il y a un problème, une erreur survient, on va regarder tous les facteurs de cause, tout au long de la chaîne, et on va investir proportionnellement dessus. Par exemple mieux former les collaborateurs, mettre en place des tests automatiques, mettre en place des détrompeurs, mettre en place des signaux colorés ou des formes, etc. Qui vont permettre à chacune à leur niveau d’éviter que le système reproduise l’erreur. Juste pour donner une vue de l’esprit là-dessus, imaginons que j’apporte une solution incroyable à un endroit de la chaîne. Par exemple, ça réduise de 90% le taux d’erreur. Ça veut dire qu’il en reste quand même 10%. Maintenant, imaginons que je fasse un investissement proportionnel avec des techniques moins bonnes. Par exemple, une technique qui apporte 50% d’amélioration à un endroit, puis une autre, 50% un autre et une autre 50% un autre. Et bien, si je mets tout cela bout à bout, j’aurais beaucoup plus d’impact, d’amélioration et beaucoup moins de taux d’erreur en sortie que la solution unique qui était à 90%. Et bien, c’est un petit peu ce qu’on vise avec l’investissement proportionnel.

[00:21:33.200] – JS Klein

Sur l’agilité Il y a beaucoup d’encre a coulé. Il y a des projets qui sont très bien passés et on lit de temps en temps un certain nombre de choses où il y a eu des échecs retentissants. Certaines équipes qui disent que ça ne marche pas du tout. Pour toi, en prenant un peu de recul sur ces notions-là, est ce que tu arrives à isoler ce qui fait que ça va fonctionner ou que ça ne va pas fonctionner ?

[00:21:53.330] – Alfred Almendra

C’est un très bon point. Effectivement, il ne faut pas oublier que l’agilité, comme plein d’autres choses, n’est qu’un moyen, n’est qu’un outil et donc ce n’est jamais la faute de l’outil. Si je prends un couteau, si c’est pour couper mon bifteck, c’est moins grave que si c’est pour trancher la gorge du voisin. Donc, ce n’est pas la faute du couteau, d’accord. Et effectivement, il y a beaucoup d’histoires plus ou moins retentissantes. En général, la littérature nous montre plus d’exemples tonitruants, néfastes que de grands succès. J’aime bien aussi dire que c’est un peu comme les frites McCain : c’est ce qu’on parle plus qu’on mange le moins. C’est à dire que souvent, les plus grands succès agiles, on n’en entend pas trop parler. Par contre, les désastres, oui. Alors, je vais vous donner une petite grille de lecture avec ce que je considère être les quatre critères principaux, les quatre piliers principaux qui permettent à la fois de savoir vers quoi on devrait aller et à la fois de détecter est-ce qu’on va dans le bon sens ou pas ? Alors pour moi, le premier pilier, le premier critère, ce serait l’humain. Dit comme ça, ça fait bisounours. En fait, l’idée ici, c’est de dire « mes équipes sont de plus en plus motivés, engagées, créatives, autonomes, bienveillantes – entre elles et avec les autres -, collaborantes – en interne et en externe – elles augmentent régulièrement leurs compétences, elles sont fières du travail accompli, elles travaillent à un rythme soutenable à l’infini, elles prennent de plus en plus de plaisir dans leur travail et elles progressent en continu ». Ça, c’est le driver numéro 1 et donc il y a toujours à faire dessus. Et dès que quelque chose ne va pas sur ce point, ça devient notre priorité. Ensuite, le numéro 2, c’est ce que j’appelle largement la qualité. Alors c’est un mot un peu ambigu. Ce n’est pas la qualité au sens « la quantité d’options dans la voiture », c’est plutôt la qualité au sens bonne facture, c’est à dire « je n’ai que les vitres électriques », mais au bout de dix fois, elles ne se mettent pas à couiner, Il n’y a pas d’infiltration d’eau, etc. C’est le travail bien fait. Et sur ce point-là, la qualité des produits et des services, il est de plus en plus soigné, maîtrisé. Les défauts sont de moins en moins nombreux et quand il y en a, ils sont détectés très tôt, voire même immédiatement, moment où on les introduit. Bref, le processus est amélioré en continu, de manière maline, efficace, durable pour que ce genre de défaut ne se reproduise pas. Ce serait le pilier numéro 2. Ensuite, le numéro 3, ce serait les délais. Et quand je dis les délais, je ne parle pas à l’échelle globale d’un projet ou d’un process. C’est chacun des délais, c’est à dire le délai d’une réunion, comme le délai d’une semaine pour réaliser un morceau de quelque chose. Là, les durées de production sont de plus en plus courtes et maîtrisées. Courtes, ça, on le comprend. Maîtrisées, ça veut dire qu’on devient de plus en plus prédictible, capable d’annoncer ce qu’on aura pour quelle date. Et moi, j’aime bien dire souvent que « accélérer » – parce que souvent, on dit l’agité c’est accélérer – accélérer, ce n’est pas faire la même chose plus vite. C’est livrer, plus souvent plus de valeur, ce qui n’est pas la même chose. Une des disciplines dans l’agilité, c’est de s’astreindre à découper le temps en petites étapes. Et enfin, le quatrième pilier, ce serait, au sens large, la valeur ou la satisfaction des clients, des utilisateurs, des parties prenantes. Ce que l’on appelle la valeur ajoutée. La valeur délivrée, c’est à dire qu’elle augmente de plus en plus. Elle s’adapte de mieux en mieux aux besoins du marché. Les clients, les utilisateurs sont de plus en plus contents, recommandent le produit ou le service. Il y a une forme d’addiction. Ils y reviennent, ils sont fidélisés. Bref, il y a un côté valeur incroyable, valeur utopique. En fait, quand on a ces quatre, ces quatre piliers ou ses quatre critères principaux, je pense que si on observe que ces quatre critères s’améliorent régulièrement, alors on peut dire qu’on est sur une démarche agile, quelque que soient les choses qu’on soit en train de mettre en place. Par contre, si à l’inverse, on observe que certains de ces critères non seulement ne progressent pas, mais voire même vont à contre-courant, alors là, il y a un levier incroyable d’amélioration.

[00:25:17.270] – JS Klein

Si on reprend l’exemple de tout à l’heure des équipes, qui implémentent la méthode, une des méthodes sans vraiment comprendre. Finalement, ils s’intéressent à la question des délais, ils vont s’intéresser éventuellement à la question de la qualité. Mais si l’humain est mis de côté, où la satisfaction est mis de côté, on répond pas à l’ensemble des critères et on a toutes les chances de créer des déphasages et de se prendre les pieds dans le tapis.

[00:25:37.490] – Alfred Almendra

Absolument. Dans l’exploration, le capital essentiel, il est dans le jus de cerveau. Il est dans la tête des bonhommes. Et donc capitaliser sur les bonhommes, c’est d’autant plus crucial. Ce n’est pas anodin si, dans la partie exploitation, dans la partie opérationnelle, on a grandement délocalisé, automatisé, remplacé le travail humain par des robots parce qu’on a moins besoin de cette intelligence. Alors attention, je mets un warning là-dessus : sauf quand on essaye d’améliorer le process. Toyota, à une époque, par exemple, avaient remplacé des robots par des humains. Pourquoi ? Parce que l’humain est capable d’identifier des zones d’amélioration, chose que la machine ne fait pas. Donc ça, c’est vraiment de l’amélioration continue appliquée aux processus. Et là, pour le coup, on a beau être en exploitation, on peut quand même utiliser le potentiel humain pour continuer d’améliorer les process.

[00:26:20.610] – JS Klein

Ces quatre principes, je ne sais pas comment tu les as appelés…

[00:26:23.010] – Alfred Almendra

Principes principaux, critères, piliers

[00:26:25.380] – JS Klein

…Ces quatre piliers sont importants. On va se concentrer sur le premier parce que c’est un élément, l’humain qui moi m’a vraiment intéressé quand je travaillais sur la partie management, et j’ai travaillé en parallèle sur la partie agilité. On voyait qu’il y avait des choses qui se rejoignaient et finalement, tu dis dans le pilier de l’humain : « On va mesurer le fait que les équipes soient plus engagées, plus motivées », et c’est ce qu’on va retrouver dans ce qu’on essaye de faire dans le management aujourd’hui. Quand on parle de management facilitateur, de management coach, de choses comme ça. Donc, sur cette troisième partie, j’aimerais qu’on arrive à travailler un peu autour de ça. Déjà, on a vu que l’agilité n’est pas forcément qu’une question de méthode et de cette idée d’humain nous le démontre. Finalement, si on revient d’un point de vue philosophique sur l’agilité, est ce qu’on n’est pas complètement dans une question de management des personnes ? Ce que tu disais quand, justement, Toyota enlève des robots et remet des personnes ? Est ce qu’il n’est pas en train de dire « Mais finalement, il vaut mieux manager des personnes et faire en sorte qu’elles soient très efficaces dans leur boulot plutôt que d’essayer de les remplacer par des robots qui n’auront pas cette finesse d’interprétation ? »

[00:27:32.340] – Alfred Almendra

Absolument. On peut le dire comme ça. Le but ultime d’un management agile, c’est de faire en sorte que les équipes soient autonomes à la fois pour faire le travail, c’est déjà bien, mais aussi pour améliorer en continu la façon de travailler. Quand on a ce double moteur là, quand les équipes sont engagées sur les deux aspects faire le travail et améliorer en continu la façon de travailler, alors on peut véritablement dire qu’on a cultivé le terreau fertile qui fait que les équipes s’émancipent. Il y a un parallèle criant, je trouve, entre le management agile et le fait de d’émanciper ses enfants, c’est à dire qu’un enfant. Au début, on lui dit quoi faire, quand, comment, lave-toi les dents, etc. Parce que, on l’éduque, il ne sait pas faire, et même quand il sait faire, il ne le fait pas instinctivement. Et puis, une fois qu’on est mis en place, certains rituels – c’est pour ça que beaucoup d’équipes découvrent l’agité par des pratiques ou des méthodes – Une fois qu’on a ancré certains rituels, eh bien tout le reste du progrès reste à faire. C’est à dire faire en sorte que les personnes se découvrent, se comprennent, trouvent leur passion, leur ambition, complètent, étoffent leurs compétences et s’ouvrent au reste du monde. Et puis arrivent aussi avec une proposition, un impact dans le monde. Et là, on parle véritablement d’émancipation. Et là, le danger, pour les managers notamment, c’est de rester ancré sur la partie première qui était la partie directive, qui disait qui doit faire quoi, quand, comment ? Dans le côté émancipation, on parle aussi de lâcher prise. Alors, il y a plein d’approches très complémentaires, d’ailleurs, je trouve, sur le management. On parle des fois d’entreprise libérée, d’intelligence collective, d’intelligence émotionnelle, de lean management, de management agile, etc. Je pense qu’on est vraiment sur des choses très, j’allais dire très communes, peut-être même presque marketing. C’est à dire qu’on pourrait dire c’est presque des mots différents, mais pour s’aligner dans le même sens, c’est à dire qu’on vise véritablement à faire en sorte que les gens apprennent à s’apprécier et à travailler ensemble pour que le collectif soit meilleur que la somme des unités. Et ça, on le retrouve dans plusieurs de ces approches. Maintenant, l’agilité vient avec quelques astuces qui sont, je trouve, très contre intuitives. C’est à dire que si on laisse faire un groupe naturellement, spontanément, il est probable qu’il trouve un optimum et qu’il plafonne. Et l’agilité va nous faire prendre du recul et faire des choses qui ont l’air contraires – on va se dire « Ben non, c’est moins efficace » – Et finalement, quand on va le mettre en œuvre, et bien, par la mesure, on va observer que ça produit plus de valeur, plus de partage de compétences, etc.

[00:29:51.690] – JS Klein

Ça fait sortir les personnes systématiquement de leur zone de confort et de leurs croyances pour leur faire expérimenter de nouvelles choses.

[00:29:58.530] – Alfred Almendra

Oui, alors, la partie sortie de la zone de confort, c’est quelque chose de volontaire. C’est à dire que si les gens ne veulent pas, il ne faut surtout pas les forcer. Je pense que ça serait un mauvais message pour les autres. Par contre, ceux qui le veulent oui, effectivement, se mettent à risque, se mettent eux-mêmes en difficulté – alors dans un cadre, dans un cadre qui est protégé – et en faisant ça, ils sortent de leur zone de confort ou ils font le pas de côté qui leur permet de voir les choses différemment et d’un seul coup ça crée une révélation.

[00:30:19.290] – JS Klein

Ce qui est extrêmement intéressant dans ce qu’on vient de se dire, c’est que c’est une phrase qui est courte à dire, mais derrière là, elle est lourde de sens. Ça veut dire que les personnes doivent avoir la capacité de faire cette expérimentation, d’aller tester d’autres choses, d’aller tester des choses qui sont contre intuitives, c’est à dire que leur management doit les laisser faire. Ça veut dire qu’ils ont le pouvoir pour le faire. Donc là, on rejoint réellement ce qu’on va retrouver justement, dans les notions de nouvelles façons de manager, c’est à dire cette redescente du pouvoir, le management facilitateur, quelqu’un qui est au service de l’équipe et non l’inverse, et donc finalement, c’est là qu’il y a une vraie connexion. C’est à partir du moment où on laisse à l’équipe cette capacité de s’organiser et d’aller tester de nouvelles choses. Il y a un point qui m’intéresse particulièrement : comment est-ce qu’on amène des équipes qui ont toujours travaillé plutôt dans un cadre directif, qui ont fait ce qu’on leur demandait, à commencer à rentrer dans cette philosophie d’expérimentation, de test and learn… Comment est ce qu’on arrive à les amener là dedans ?

[00:31:21.630] – Alfred Almendra

Alors ça c’est le point le plus dur de l’agile, parce que tout ce qu’on peut se dire sur l’agile est finalement assez pragmatique, assez simple. Des fois, paraît même évident. C’est plein de bon sens. Le plus dur en agile, c’est ce qu’on appelle la transformation, ce qu’on peut appeler aussi la conduite du changement. Et là, pour le coup, je parlais de choses contre intuitives, la conduite du changement, c’est vraiment un ensemble de choses contre intuitives. Je vais donner quelques exemples. On dit parfois « les gens résistent au changement ». Alors je demande aux auditeurs d’imaginer la personne qui, pour elles, résiste le plus aux changements. Vraiment, l’anti. Je parie que cette personne-là ne mange pas la même chose qu’il y a vingt ans. Je parie qu’elle n’habite pas au même endroit qu’il y a vingt ans. Je parie qu’elle ne s’habille pas de la même manière qu’il y a vingt ans. Je parie que son contexte familial n’est pas le même qu’il y a vingt ans. Donc, ça veut dire que cette personne change, elle a changé, voire même elle continue de changer. Et pourtant, on vient de dire qu’elle résistait au changement. Ma grille de lecture le dessus c’est qu’elle ne résiste pas au changement, elle résiste au fait qu’on lui impose le changement. En fait, ça change tout. Et le fait d’avoir ces petits décalages-là, ça va complètement changer la dynamique de conduite du changement. Je vais donner quelques astuces. Par exemple, j’aime bien dire « expliquer oui. Convaincre, non ». Quelqu’un me dit « comment ça marche, l’agilité ? ». J’explique. Et d’un seul coup, elle me dit « oui, mais si je fais ça, est-ce que je ne risque pas de ? ». Ben là si je réponds non, j’ai menti, j’ai essayé de convaincre. La seule réponse à « est-ce que l’on ne risque pas de ? » c’est Oui. Oui, le risque existe. Après, je peux dire : « le risque est mesuré, il est géré. Voici ce qu’on a mis en place ». Et en fait, la frontière est extrêmement ténue entre expliquer et convaincre. Et c’est là où je dis que l’agité apporte des choses contre intuitives. C’est que ça n’a pas l’air évident qu’il ne faut pas répondre à cette question. Autre chose que oui, le risque existe et est compléter par ce qu’on met en place pour le gérer. Et pourtant, c’est ça qui va permettre d’aller plus loin. Je donne encore un autre exemple : il y a ce qu’on appelle « respecter le non ». Par exemple, imaginons une équipe de dix personnes et je demande à l’équipe « Écoutez, j’ai entendu parler de l’agile. Ce serait bien qu’on essaye ça chez nous pour chercher du mieux pour nos clients, pour le business, peu importe ». Et là, quelqu’un me dit « oui, mais moi, je ne me sens pas à l’aise avec ça. Je n’ai pas trop envie de le faire ». Et pourtant, les autres, il y en a qui ont dit « oui », il y en a qui ont dit « pourquoi pas ? ». Si je commence à essayer de l’imposer à cette personne-là, j’envoie un très mauvais signal à tous les autres, parce que je suis en train de dire « en fait, ce n’était pas une suggestion, c’est un ordre. Maintenant, à l’inverse, si je fais ce qu’on appelle « respecter le non », c’est à dire quelqu’un dit « moi, je n’y suis pas ». Je ne rentre pas dans ce jeu-là. Le fait de respecter ce « non » va augmenter mes chances d’inclure dans le groupe qui veulent expérimenter les indécis, qui en fait souvent la majorité. Ça renvoie ce premier signal. Le deuxième signal très intéressant, c’est que puisqu’on va pouvoir expérimenter par petites étapes avec ce petit groupe là, eh bien qu’on trébuche ou pas. C’est dire que ça produise un succès ou un échec ou un apprentissage, peu importe comment on l’appelle. Eh bien, finalement, ça va envoyer un nouveau signal à ceux qui étaient anti et qui vont se rendre compte que finalement, il n’y a pas un si gros danger à le faire puisque, on a essayé, ça a plus ou moins marché. Et même quand ça ne marche pas complètement, eh bien les gens sont quand même félicités et remerciés, non pas pour le résultat, mais pour le comportement. Et d’un seul coup, ça enlève quelques barrières et ça peut permettre d’inclure plus de monde.

[00:34:19.370] – JS Klein

C’est ce qu’on voit beaucoup aujourd’hui dans la conduite du changement. Quand on quand on mène de la conduite du changement, le fait qu’on ait de plus en plus d’ateliers participatifs plus que de la formation classique. Il y a des ateliers catharsis, il y a des ateliers de décisions et des ateliers pour faire émerger des idées. C’est d’inclure les équipes là-dedans et par l’expérimentation et par la dynamique de groupe, c’est à dire qu’on accepte plus facilement quelque chose que le groupe a accepté, que quelque chose qu’on essaie de nous imposer individuellement. Et le changement, en fait : si le groupe change, je change avec le groupe parce que c’est un comportement grégaire. C’est un comportement naturel chez l’être humain.

[00:34:53.200] – Alfred Almendra

Absolument. Moi, j’aime bien dire l’équation simple de la conduite du changement, même si c’est un peu simpliste, c’est que l’impact que l’on vise, c’est la qualité de la solution qu’on apporte, que multiplie l’adoption. Et si j’arrive moi, Alfred, avec la meilleure solution du monde, mais qu’elle est adoptée à 0%, mon impact est nul. Si maintenant l’équipe fait émerger entre elle une solution un peu patchwork qui est bonne qu’à 20%, oui, mais si elle l’adopte à 100% et bien non seulement elle a plus d’impact que moi, mais en plus, avec l’énergie qu’ils ont mis en œuvre et cette volonté d’améliorer, eh bien, ils ont peut-être initié un moteur d’amélioration continue qui fait que la solution qui est à 20% va s’améliorer, passer à 40, 60, etc. C’est vraiment ça qu’on cherche. C’est d’abord l’adoption avant la qualité de la solution.

[00:35:33.600] – JS Klein

Pour les auditeurs qui sont plus dans des rôles de management. Si on devait leur résumer les grands principes de l’agilité d’un point de vue managérial, qu’est-ce que tu leur donnerais comme nourriture à la fin de ce podcast ?

[00:35:47.940] – Alfred Almendra

Alors d’abord, je dirais que souvent le management, on est payé pour s’assurer qu’on fait les choses comme on l’a toujours fait, parce que c’est ça qui nous paye aujourd’hui. C’est à dire que la première prise de conscience est de se dire « je vais étendre mon périmètre d’action et mes compétences pour non seulement faire ça, protéger ce qui nous, ce qui nous nourrit aujourd’hui, mais aussi pour apprendre à cultiver des équipes qui vont explorer l’avenir de demain ». Ça ne veut pas dire que tous les managers doivent faire les deux, mais ça veut dire d’avoir conscience que, dans l’entreprise, il y a du management qui est centré sur l’existant et du management centré sur la suite.

[00:36:20.280] – JS Klein

Avec un élément qui est très important, c’est que l’incertitude augmente de plus en plus autour des entreprises. Une entreprise d’il y a 30 ans était dans un contexte qui était très certain. Donc, cette phase d’exploration elle n’avait pas forcément besoin de la mener. Aujourd’hui, l’incertitude est partout et le contexte sanitaire actuel n’a fait que l’accentuer, c’est à dire que la visibilité certaine, les meilleurs l’ont à trois mois en ce moment.

[00:36:44.610] – Alfred Almendra

Oui, il y a des sujets qui s’intéressent aux entreprises, même quand celles-ci ne veulent pas s’y intéresser. Il y a eu l’IT. Combien d’entreprises ont dit « mais l’IT, ce n’est pas mon domaine ». Aujourd’hui, c’est stratégique pour quasiment tout le monde. Le côté monde changeant, concurrence, ubérisation est venu percuter des secteurs les uns après les autres. Et bien, ça s’intéresse à nous. Même si on ne veut pas s’intéresser. Et demain, ce sera peut-être encore le changement climatique ou pétrolier.

[00:37:07.750] – JS Klein

Ou la RSE qui va devenir un gros changement…

[00:37:09.120] – Alfred Almendra

Exactement. De toute façon, l’incertitude, qu’on en veuille ou qu’on n’en veuille pas, elle nous arrive de plein fouet au fur et à mesure. Donc, effectivement, il va falloir intégrer ça dans le périmètre d’action. Alors, quelques clés de lecture pour les managers : la première chose, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule manière de motiver et de faire progresser les individus. Dans la vision traditionnelle pyramidale, pour qu’il y en ait un qui gagne, il faut qu’il y en ait neuf qui perdent. Et c’est que de la promotion, j’allais dire pyramidale, organisationnelle. Il se trouve qu’il y a des leviers de motivation beaucoup plus riches, beaucoup plus variés : la curiosité, la reconnaissance, le mentorat, l’autonomie. Il y a énormément de leviers sur lesquels on peut jouer et tout le monde peut gagner ensemble. Ça, c’est déjà une première astuce pour permettre aux managers de progresser sur ce point. L’agilité va aller avec plus d’autonomie, plus de sens et de la montée en compétence. Donc un levier très fort, c’est favoriser la montée en compétence des uns avec les autres. Donc faire grandir des personnes parce qu’on les frotte, on les fait collaborer avec des personnes qui sont meilleures qu’elles. Ça, c’est un point très important. Ensuite, ce que je peux donner aussi comme grille de lecture. J’ai observé, mais attention, ça ne concerne que le périmètre de mes interventions. Donc, je peux dire que c’est une vérité absolue, bien sûr. J’ai observé que souvent, lorsque des managers sont confrontés à un contexte agile – que ce soit par rapport à des équipes ou même toute l’entreprise – j’ai observé une évolution naturelle vers l’un des trois axes suivants : Le premier axe, c’est celui que je peux appeler de leadership visionnaire, qui est focalisé sur le marché, sur l’innovation, sur la vision business. Très orienté client, marché, business et valeur ajoutée. Le deuxième axe vers lequel j’observe une évolution, c’est ce qu’on appelle le coaching d’équipe, qui est focalisé sur la performance, sur l’amélioration continue de la performance des processus, bref, qui est très drivé sur les aspects méthodologiques. Et puis, enfin, un troisième driver, un troisième axe d’évolution qui est plus centré sur l’humain en tant qu’individu. Pas l’individu tout seul sorti de l’entreprise. L’individu dans un accomplissement au sein de l’organisation. On peut parler d’évolution de carrière, etc. Et ce que je trouve très intéressant sur ce levier-là, c’est que finalement, certains managers vont réussir à créer un lien d’affinité, au moins temporairement, entre eux et quelqu’un d’autre qui n’était pas forcément quelqu’un qu’ils manageaient. C’est à dire que dans certaines organisations, j’ai observé que des managers qui évoluaient sur ce côté humain devenaient un peu comme des coachs professionnels internes, avec une relation particulière vis à vis de collaborateurs qui ne sont pas dans leur service et qui ne sont même pas dans leur zone géographique. Donc ça, c’est vraiment une évolution que je trouve très intéressante.

[00:39:45.180] – JS Klein

Elle est belle cette grille de lecture, parce que ça permet effectivement aujourd’hui sur des personnes qui écoutent ce podcast et qui se posent des questions, d’arriver à se positionner à savoir où ils en sont. Et finalement, quand on quand on parle d’évolution du modèle de management. Quand on parle d’agilité, on parle à peu près de la même chose.

[00:40:04.140] – Alfred Almendra

Absolument. Moi, j’aime bien dire que le management ne concerne pas que les managers. Parfois, on entend que certaines équipes ou entreprises agiles fonctionnent mieux sans manager, et c’est possible. Maintenant, je pense qu’il serait faux de croire que les managers ne servent à rien dans une démarche agile. Au contraire, je pense qu’ils ont une valeur ajoutée qui peut permettre de décupler la performance des équipes, que ce soit en termes de motivation, de productivité, que ce soit en termes de capitalisation, de compétences. Et je pense que oui, les managers ont une super carte à jouer et elle est d’autant plus intéressante qu’elle est très peu décrite, je trouve. C’est à dire que, autant dans l’agilité, il y a beaucoup de trucs et astuces, de techniques, d’outils, de méthodes prêtes sur étagère et de partage. Autant sur le management, qui est une science beaucoup plus humaine, impalpable, subjective, très complexe dans les relations qu’on peut avoir les uns avec les autres et qui est très particulière par rapport aux différents contextes. Et bien il me semble que les managers ont tout à inventer et créer quelque part un boulevard d’innovations incroyables

[00:41:02.090] – JS Klein

Et finalement, en fait, autour de ce qui gravite autour des entreprises, on voit passer des coach en management, il y a des coachs agiles. Pour toi, ce serait quoi la différence entre quelqu’un qui arrive en tant que coach agile ou quelqu’un qui fait du conseil en management ou qui est coach en management ?

[00:41:16.670] – Alfred Almendra

C’est un très bon point. Et d’ailleurs, ce mot coach agile est très ambigu. Pour l’anecdote, il n’y a pas d’école de coach agile. Il n’y a pas de diplôme associé. Je pense qu’il y a effectivement une ambiguïté. Alors, je ne suis pas le seul à le dire. On pourra mettre les liens vers des blogs. Je pense notamment au billet de blog d’Alexandre Boutin ou de Jean-Claude Grosjean. Ça fait déjà pas mal d’années, ça fait plus de dix ans que la communauté de coachs agiles, à la fois se pose des questions par rapport à ça, et puis on se retrouve challengée. Si on fait le lien, il y a ce qu’on appelle les coachs professionnels, les coachs humains, qui suivent un cursus de formation long, qui peut durer deux ans, qui sont ensuite supervisés, qui ont une profession qui est très réglementée, très cadrée, etc.

[00:41:57.050] – JS Klein

Qui est certifiée…

[00:41:59.090] – Alfred Almendra

…Et avec une certaine éthique des pratiques. Je vais donner juste un exemple : pour un coach, l’argent ne devrait pas être un problème. C’est à dire qu’un coach devrait être capable de refuser quelque chose et de ne pas prendre une mission parce qu’elle est alimentaire. Donc vous voyez qu’il y a une éthique qui est vraiment très importante autour de cette profession.

[00:42:13.870] – JS Klein

Et quand on voit la profession de coach, c’est aussi beaucoup de choses qui viennent de la psychanalyse, qui sont très proches de la psychanalyse.

[00:42:19.070] – Alfred Almendra

Absolument. Bien sûr, il y a des frontières. Dès qu’on est sur la psychologie ou la psychanalyse, on est du côté médical et c’est encore plus cadré et c’est tourné vraiment que vers l’individu. Quand on est sur le consulting ou le mentorat, on est très orienté sur le contexte d’intervention. Et puis, quand on est sur du coaching, on est entre les deux, c’est à dire la relation de l’employé à son contexte.

[00:42:41.180] – JS Klein

Avec une posture basse du coach qui rappelle un peu celle du psychologue ou du psychanalyste.

[00:42:47.250] – Alfred Almendra

Exactement. Alors, ce qui crée l’ambiguïté, c’est que certains coachs agiles deviennent coachs professionnels. Certains coachs professionnels deviennent aussi coachs agiles et que, de toute façon, la communauté agile au sens large va piocher parmi les techniques qu’elle va chercher à droite, à gauche. Elle va aussi piocher dans le coaching professionnel, ce qui rajoute à l’ambiguïté. Pour citer quelques exemples, on va utiliser des techniques comme les questions puissantes, par exemple, ou la posture basse. Et forcément, ça rajoute à l’ambiguïté. Moi, il me semble que le mot coach agile a été prononcé la première fois par Rachel Davies et Liz Sedley dans leur ouvrage de 2009, si ma mémoire est bonne, qui s’appelle « Agile Coaching » et dans lequel il me semble, mais je peux me tromper, que c’est juste un dérivé de ce qu’on appelait un coach XP, dans la méthode eXtreme Programming. En fait, la méthode eXtreme Programming a une dizaine, douzaine de rôles. Et un des rôles, c’est ce qu’on appelle le coach XP et je le vois plus comme un rôle à la fois de formateur puisqu’il explique la méthode, et de mentor puisqu’il montre par le geste à ses collaborateurs comment faire mieux tous les jours. Donc, il me semble que ce dérivé coach XP est devenu ensuite, par extension, coach agile pour l’ensemble des méthodes agiles.

[00:43:53.600] – JS Klein

La façon dont je le ressens, c’est que souvent, on va voir des coachs agiles qui sont là pour coacher des équipes, notamment dans le milieu de l’IT, notamment sur des méthodes comme SCRUM, c’est à dire qu’on fait appel à un coach pour faire en sorte que les équipes montent en puissance, les équipes IT montent en puissance dans la programmation et la livraison d’outils. Et les coachs en management, on va plus les appeler, justement, c’est plus le service RH qui vont les appeler pour travailler sur des dynamiques d’équipe, sur le fait de changer de mode de management. Et finalement, dans ce qu’on est en train de dire, et avec ce phénomène, un peu de mixité, pas mixité, de mélange, ce phénomène blender qui est en train de se faire. Finalement, on pourrait tout à fait avoir un coach agile qui va intervenir dans un domaine qui est totalement différent que le domaine de l’IT, pour justement plus faire travailler des équipes en expérimentation. On parlait de serious game, de choses comme ça pour les amener à l’expérimentation d’un certain nombre de choses. Et on pourra avoir des professionnels du coaching en management qui vont agir sur des équipes IT, plus sur la posture managériale de certaines personnes, sur du leadership. C’est ça qui est intéressant. C’est que finalement, c’est dangereux de les mettre dans des cases.

[00:45:03.320] – Alfred Almendra

Absolument. D’ailleurs, moi-même, je ne suis pas le seul, j’interviens de plus en plus dans des entreprises et des contextes qui ne sont pas spécifiques à l’IT. Pour en citer quelques-uns : la cosmétique, le médical, la chimie, enfin voilà… Dans des domaines qui n’ont rien à voir avec l’IT. Et j’interviens aussi, ça m’est déjà arrivé pas mal de fois d’intervenir de façon concertée avec différents profils, notamment avec des coachs professionnels, ce qui permet d’avoir toute une palette pour à la fois savoir parler aux dirigeants, au management, aux opérationnels et puis aussi pour pouvoir travailler sur les équipes transverses ou projet / produit et en même temps avoir du renfort pour travailler plus individu par individu.

[00:45:44.940] – JS Klein

Pour conclure cette partie, ce qui va être intéressant pour les auditeurs qui ont des rôles de managers, je pense – alors on va mettre beaucoup de liens dans la description du podcast sur le site Tout Se Transforme pour que vous puissiez avoir des ressources pour vous nourrir sur ces sujets – mais intéressez-vous à l’agilité parce que potentiellement, c’est là-dedans que vous allez aller puiser un certain nombre d’éléments pour mettre vos équipes en dynamique. Pour bien comprendre quelles sont les mécaniques qui entrent en jeu dans vos équipes et donc, cela peut être quelque chose qui est complémentaire avec du coaching que vous pouvez avoir sur la partie manager, à côté. On arrive au bout de cet épisode Alfred. J’ai une question que je pose à tout le monde, alors c’est une question que je posais aux équipes quand j’étais en management, si tu avais une baguette magique, et que tu pouvais transformer quoi que ce soit, qu’est-ce que tu ferais ?

[00:46:33.440] – Alfred Almendra

Alors oui, c’est très important comme question. Je ne changerais pas forcément quelque chose du passé. Je n’ai pas forcément de regrets ou de remords par rapport à ça. Par contre, c’est vrai que en tant que citoyen, surtout avec l’actualité du moment, au niveau politique – alors je m’y intéresse peu, c’est vrai, je dois l’avouer – j’adorais un jour connaître, au niveau d’un pays, le même plaisir et la même efficacité que l’on peut connaître au niveau des entreprises agiles, c’est à dire sur le fait, véritablement d’un point de vue démocratique, inclure les collaborateurs dont on parlait, qui seraient les citoyens. Et à la fois dans le fait de dire on fait des petites expérimentations, ce qui permet régulièrement d’améliorer, mais d’améliorer sur les différents axes de valeurs, c’est à dire pour l’humain, pour l’impact social, pour l’environnement, pour le progrès sociétal. J’aurais bien voulu aussi connaître cette histoire de progrès il y a quelques décennies. Je pense qu’aujourd’hui, il y a une opportunité pour le remettre au goût du jour et je pense que l’agité pourrait aider aussi à ce niveau-là.

[00:47:30.500] – JS Klein

Tu peux monter un parti ! Tu as un vrai programme !

[00:47:34.040] – Alfred Almendra

Je veux bien donner des trucs astuces à quelqu’un qui montrait un parti, mais clairement, ce n’est pas ma marque de fabrique.

[00:47:39.440] – JS Klein

OK ! Où est-ce qu’on peut te suivre sur les différents réseaux sociaux ? Si des personnes veulent te contacter, où est ce qu’ils peuvent aller ?

[00:47:45.510] – Alfred Almendra

Alors, le plus simple, c’est sur LinkedIn, et sinon sur sur YouTube, même si je ne suis pas encore très actif. Mais ça, ça devrait arriver sous peu.

[00:47:53.540] – JS Klein

De notre côté, si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à le partager. Vous le retrouverez aussi sur le site Tout Se Transforme. On est actif sur les réseaux sociaux, sur LinkedIn, Twitter. Parlez-en autour de vous. Merci à tous d’avoir écouté. Merci Alfred.

[00:48:08.300] – Alfred Almendra

Merci à toi, c’était un plaisir.

[00:48:09.950] – JS Klein

Et à très bientôt.