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Avec Laura De Angelis (Sanaé), on parle de la Qualité de Vie au Travail (QVT). Au delà des stéréotypes tels que le babyfoot et les salles de sieste, qu’est-ce que la QVT ? Et en quoi elle peut aider l’entreprise à être plus performante ?

Transcription

[00:00:00.300] – JS Klein

Aujourd’hui, on va parler de la QVT : la qualité de vie au travail. On a souvent l’image des entreprises de la tech avec leurs babyfoot et leurs happiness officer, souvent scrutés par les entreprises traditionnelles, avec un mélange de sarcasme et d’incompréhension. Pourtant, la notion de qualité de vie au travail est beaucoup plus riche que ce cliché. L’humain étant au cœur de la performance des organisations, il est assez logique de s’assurer que les collaborateurs évoluent dans un environnement épanouissant. Et tant qu’on y est, pourquoi pas en faire un levier de croissance ? Pour parler de ce sujet, je reçois Laura De Angelis. Laura, je te laisses te présenter en quelques mots ?

[00:00:52.860] – Laura De Angelis

Bonjour Jean-Sébastien. Je suis Laura, la fondatrice de Sanaé, que j’ai créée en 2019 avec le pari un peu fou de transformer le travail en une source de plaisir et d’épanouissement pour tous. Donc, en fait, j’ai eu différentes expériences professionnelles dans des environnements internationaux. J’ai eu la chance de beaucoup voyager, ce soit dans des start up brésiliennes, des grands groupes américains ou des cabinets de conseil parisien. Ce qui m’a frappé, ce que j’ai remarqué, c’est que finalement, le capital numéro un des entreprises, ça reste les hommes et les femmes qui constituent ces entreprises, et pas spécialement les outils, les infrastructures ou le savoir faire qu’une entreprise pourrait avoir. Donc, ce que j’ai compris autour de ça, c’est que finalement, en France, il y a un véritable retard sur les sujets autour de la qualité du travail. Ce que même si les choses avancent, il y a quand même 30 000 burnout par an, et ce qui m’a fait créer Sanaé, c’est que j’ai connu un épuisement professionnel à mes 25 ans en même temps que mon père qui en avait 60. Donc finalement, c’est même plus une question de génération ou de temps. C’est un sujet qui concerne tout le monde. Et donc, j’ai créé Sanaé avec l’ambition de faciliter la transformation des entreprises vers des modèles socialement durables et responsables en les aidant à mettre en place des actions qui sont efficientes et efficaces pour le mieux être de leurs salariés et pour finalement, que le travail reste une source de plaisir pour tous.

[00:02:08.700] – JS Klein

Alors, ça tombe bien parce que sur Tout Se Transforme on va parler de la transformation de l’humain au cœur de ça. Je pense que ce qui est important, parce que quand on parle de QVT souvent les gens regardent l’acronyme sans savoir exactement de quoi il s’agit. On va peut être parler un peu de l’historique et voir comment toi tu as pu mesurer ça dans les entreprises, quand on parle de qualité de vie au travail. Quels sont les retours que tu as pu voir et comment c’est en train d’évoluer?

[00:02:32.640] – Laura De Angelis

Alors souvent, quand je parle de qualité de vie au travail – QVT pour les intimes – il y a deux réactions possibles,  deux grandes réactions générales. Soit finalement, le dirigeant ou le ou la DRH s’attendent à ce qu’on parle de chaise ergonomique, poste de travail, cadre de travail. Finalement, les conditions matérielles de travail, soit elles s’imaginent qu’on va parler de babyfoot, de corbeilles de fruits, d’after work, de sapin de Noël et de choses comme ça. Et donc, en fait, les deux ne sont pas complètement faux, mais les deux ne sont pas complètement vrais non plus. Donc, c’est ce qui explique tout le paradoxe autour de la qualité du travail, c’est que tout le monde a sa vision de ce que c’est mais personne peut vraiment exactement le définir. En fait, il y a deux points de repères à avoir quand on parle de qualité de vie au travail que sont la notion de performance, qui est un critère objectif mesurable et quantitatif – et ça, on va en parler – mais aussi un critère que beaucoup d’entreprises oublient, c’est le critère de perception qui est totalement subjectif, qui fait davantage appel aux émotions et finalement, au qualitatif. Et ça, c’est d’autant plus difficile à mesurer et c’est ce qui rend la QVT très individualisée à chaque entreprise et donc forcément adaptée à chaque culture d’entreprise, chaque évolution de l’entreprise. Et ce n’est pas forcément quelque chose d’immuable et qui est applicable à tout type d’entreprise. Donc, finalement, pour comprendre ce qu’est la qualité de vie au travail, la grande définition officielle pour tous ceux qui nous écoutent et qui ne savent pas trop de quoi on parle sont toutes les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail de vos salariés et la performance globale de l’entreprise. Donc, dans cette définition, la performance est au cœur même de la qualité de vie au travail.

[00:04:20.190] – JS Klein

C’est vraiment le point qu’on veut voir aujourd’hui, c’est à dire sur l’historique,  effectivement, on voyait souvent la qualité de vie au travail comme un élément qui était porté par le RH, mais plus en mode infrastructure autour des collaborateurs. Quand tu parles de perception, on sent bien qu’il y a un élément qui est lié à la culture et donc chaque culture d’entreprise est différente. Et la performance par contre, c’est un élément qui peut être un dénominateur commun pour l’ensemble des entreprises. Dans ce que tu as pu voir, toi, dans les différents projets que tu as pu mettre en place pour les entreprises, comment la QVT est mise en place ? Qu’est ce que tu as pu observer ?

[00:04:57.930] – Laura De Angelis

Une grande tendance que je vois notamment en France, et qui est très propre à notre façon de travailler nos organisations et notre système de management. C’est une approche top down, c’est à dire que les décisions autour de la QVT sont prises par la direction. Donc c’est une information descendante, une prise de décision descendante. Ce qui amène en fait des actions isolées et ponctuelles autour de la qualité du travail. En soi, c’est ni bon ni mauvais, on fonctionne souvent comme ça. Mais par contre, ce que j’entends beaucoup c’est « voilà, on a essayé plein de choses, des cours de sport, du nouveau mobilier. On fait des team building une fois par an. Mais bon, on voit que ça ne marche pas trop et que ça ne change pas grand chose ».

[00:05:39.360] – JS Klein

Donc ce que ça fait ressortir c’est qu’il y a deux éléments : d’un côté, ce qu’on voit, c’est qu’il y a pas forcément de stratégie. C’est fait de façon empirique par les directions. On va tester certaines choses, on voit si ça marche ou si ça ne marche pas. Le deuxième point qui me semble plus important et qui est lié de façon plus large au process de transformation de entreprises et qu’on retrouve effectivement beaucoup en France, c’est que les collaborateurs ne sont pas partie prenante, ne sont pas engagés dans la mise en place de la QVT. Est ce que tu as l’impression que ça change ? Est ce que toi, c’est quelque chose que tu continues à observer aujourd’hui ?

[00:06:08.130] – Laura De Angelis

En fait, c’est ça je pense toutes les évolutions qu’il y a à voir autour de la qualité de vie au travail, c’est l’approche qu’on a, très empirique, fait avancer certaines choses. Être dans le test, dans l’expérimentation, c’est une des bases de la qualité de vie au travail, mais beaucoup d’entreprises omettent le paramètre qui est le paramètre de la perception et qui implique de questionner : finalement, qu’est ce que l’activité pour leurs collaborateurs ? C’est une approche qui n’interroge pas leurs collaborateurs. Et moi, généralement, quand je rencontre une entreprise qui me dit « on a essayé plein de choses et bon, ça fonctionne pas tellement nos indicateurs bougent pas, on a toujours le même problème », je leur pose tout simplement la question : « mais est ce que vous avez demandé à vos collaborateurs quelles sont leurs attentes en termes de qualité de vie au travail ? » Et là, généralement, s’ensuit un grand bafouillement : « Oui, pas vraiment. Une fois, il y a deux ans, on a fait un truc, mais bon, on ne sait plus trop ». En fait, il n’y a pas tellement de communication, le circuit de communication est coupé, ce qui fait que forcément : les équipes peuvent pas forcément remonter quelle est leur perception de la qualité du travail. Les entreprises essayent des choses et s’épuisent. Et c’est comme ça qu’on arrive à QVT-babyfoot ou en fait, on fait des choses un peu sympa pour l’esprit d’entreprise, la culture, ça y participe, mais ça ne fait pas avancer le vrai sujet de fond.

[00:07:16.590] – JS Klein

Ce n’est pas quelque chose qui peut être porté par les CSE ?

[00:07:19.440] – Laura De Angelis

Parfois, oui. Moi, je travaille avec différents CSE. Mais le problème du CSE, pour beaucoup, c’est que déjà, ce sont des personnes qui intègrent des CSE de façon annuelle, donc ils n’ont parfois pas forcément une vision à long terme sur les actions qu’ils peuvent mettre en place. Et ils n’ont pas forcément le champ à rentrer dans la stratégie de l’entreprise. Pour le coup travailler avec des CSE, aujourd’hui, ils ont une espèce de grand catalogue à proposer : leur but, c’est de faire quelque chose qui va plaire absolument à tout le monde. L’objectif numéro 1, c’est « il faut que ça marche. Il faut que tout le monde participe ». L’objectif, c’est pas faire évoluer le taux de turn over ou d’améliorer la satisfaction client. Généralement, le CSE dans l’activité, c’est une ligne de budget, malheureusement.

[00:07:58.620] – JS Klein

Alors, on a vu sur les dernières années que c’est en train de bouger. Evidemment, il y a une influence américaine et notamment des boites de la tech. Quand on voit Google, quand on voit Facebook, quand on voit toutes ces boites et la façon dont elles gèrent leur campus, ça donne des idées. Il y a potentiellement une question générationnelle. Justement, c’est un point que je voulais voir avec toi. Est ce qu’il y a un point générationnel ou il faut creuser un peu plus ?

[00:08:26.400] – Laura De Angelis

Cette question m’a fait penser à une anecdote que j’ai eue il y a pas très longtemps que ça. J’avais rencontré une ancienne DRH, maintenant à son compte, qui a une cinquantaine d’années. Donc quand je lui dis que je travaille dans le secteur de la QVT, elle m’a dit « Oui mais bon, moi, de mon époque, on a fait plus ou moins avec plus ou moins sans. Finalement, est ce qu’on n’en ferait pas un peu tout un plat, quoi ? ». Je trouve que cette phrase, moi elle m’a marqué. Bon après on en a discuté, mais ça, ça montre bien, je trouve, deux choses : déjà que l’on n’a pas du tout la même perception du rapport au travail, parce que finalement, c’est un peu ça le fond de l’histoire. En soi, elle avait raison : de tout temps, il y a une grosse importance à travailler dans les bonnes conditions de travail. On trouvera jamais personne pour te dire : « moi, j’adore me faire crier dessus toute la journée. C’est génial ». Je pense que on aspire tous à ça. Après c’est la détermination que sont des bonnes conditions de travail qui évoluent. Mais en même temps, elle avait aussi tort.  Elle avait aussi raison que tort. C’est qu’il y a une vraie incompréhension sur les mutations du monde du travail d’aujourd’hui. Et donc, forcément, elle projetait un besoin qu’elle n’avait peut être pas forcément à l’époque. Et c’est ce que je retrouve dans beaucoup d’entreprises aujourd’hui, c’est que finalement, il y a un risque pour une entreprise de refuser ce changement là. Et c’est un changement contre lequel on ne peut pas forcément lutter.

[00:09:40.590] – JS Klein

Est-ce qu’aujourd’hui, tu vois des changements dans les attentes des collaborateurs sur ce qu’ils vont vouloir dans leurs conditions de travail ?

[00:09:49.140] – Laura De Angelis

Oui, ça, ça se ressent énormément et c’est vrai qu’on fait finalement, ce qui change, c’est pas forcément « quel est l’ingrédient secret de la QVT aujourd’hui ? » C’est le rapport au travail qui évolue le plus. Quand on regarde la définition de ce que c’est le travail, le Larousse nous dit que c’est une activité laborieuse. Il y a le terme « laborieuse » dedans, qui est quand même assez fort. Et si on reposait la même question à nos générations actuelles ou autre, où les plus jeunes qui arrivent, la notion de souffrance au travail n’est plus du tout acceptée. C’est pour ça que moi je parle beaucoup de plaisir au travail, parce que du plaisir nait tout : la facilité de travailler ensemble, la facilité de se concentrer, d’innover… Et en fait, c’est vraiment cette définition là qui change complètement, c’est que l’activité est une source d’épanouissement personnel, vu que les frontières sont de plus en plus floues. On passe une énorme partie de notre vie au travail et donc ça, je le ressens énormément, et beaucoup d’entreprises le ressentent, c’est à dire qu’elles n’ont même plus vraiment le choix. C’est même dans leur recrutement. Elles ont en face d’elle des personnes – et il y a plein d’âges très différents, ce ne sont pas forcément que les nouvelles générations qui sont attentives à ça – mais qui leur font comprendre qu’elles sont là, certes, pour travailler, mais elles ne vont pas forcément se saigner, parce qu’il n’y a plus les mêmes enjeux de sécurité de l’emploi. On ne travaille plus forcément pour « gagner sa croûte ». On travaille aussi pour faire des choses qui nous plaisent dans des choses qui ont du sens et c’est pour ça beaucoup d’entreprises questionnent de plus en plus leurs valeurs, leur culture d’entreprise, leur raison d’être, parce que c’est des choses qui raisonnent beaucoup pour notre société actuelle.

[00:11:16.230] – JS Klein

Mais ce qui est intéressant, c’est que cette croyance que le travail, ça doit être de la souffrance, ça doit être le fait d’abandonner certaines choses, « le sacrifice » du travail. Cette croyance, est encore forte. Et pourtant, ce que l’on va mesurer sur ces nouvelles attentes, c’est à dire le fait de faire rentrer le travail comme étant un élément de plaisir, comme mélanger le pro et le perso, on va voir des personnes qui sont très engagées à ce niveau là et qui, potentiellement, vont être plus performants parce qu’ils sont épanouis, parce qu’ils ont envie, parce que le travail veut dire quelque chose, a du sens pour eux, vont être plus engagés dans leur dans leurs tâches quotidiennes que quelqu’un qui se levait le matin en ayant envie de pleurer. Et ça, c’est le point que je voudrais qu’on aborde derrière : je pense que pour un certain nombre de patrons, la QVT c’est donner aux salariés et ils ont l’impression que c’est dépenser pour les salariés, mais que derrière, il y a pas de retour sur investissement.

[00:12:13.810] – Laura De Angelis

Complètement !

[00:12:14.250] – JS Klein

À ton avis, vis à vis de ces dirigeants, ces gens ont cette croyance, qu’est ce qu’on peut leur amener pour leur montrer que la QVT a une place dans le pilotage de l’entreprise et que ça peut être un levier de performance ?

[00:12:24.690] – Laura De Angelis

Ce qui est évident, c’est que placer la QVT comme un sujet stratégique aujourd’hui, c’est de plus en plus un avantage concurrentiel dans beaucoup d’entreprises. Pourquoi ? Ce qu’il faut savoir, c’est que la QVT façonne très fortement la culture d’une entreprise et de ses valeurs. Généralement, les entreprises qui sont très avancées sur des sujets de qualité de vie au travail quand on remonte un petit peu la chaîne, on se rend compte que leurs fondateurs ont tout de suite mis des choses en place sur ces sujets là, ce qui fait qu’ils sont en avance de phase de leurs concurrents. Et c’est ce qui fait qu’ils arrivent très largement à être compétitifs sur de nombreux points. Donc, c’est important aussi, en tant que dirigeant, je pense, d’avoir une vraie identité, une âme d’entreprise et que c’est une façon aussi de dessiner la culture d’une entreprise et d’inscrire dans des actions concrètes les valeurs qu’on porte. Aussi une équation très simple, je pense que tout dirigeant DRH sera d’accord avec ça : salarié heureux = client heureux. Ça, c’est quelque chose qu’on entend beaucoup. D’ailleurs, je voulais recommander un livre que moi j’ai lu, qui m’a énormément inspiré sur le sujet, qui est « Les employés d’abord, les clients ensuite »  de Vineet Nayar, qui a vraiment mené pendant des années des actions sur ces sujets là. C’était le dirigeant d’une société informatique en Inde. C’est un ouvrage, moi, je me suis dit mais c’est exactement ça qu’il nous faudrait en France. C’est quelqu’un qui arrive à porter pendant des années des vrais projets en plaçant vraiment leurs salariés au cœur de tout type de décision et qui a totalement transformé le système de management et pour qui, en fait, la qualité du travail, était totalement incarné dans la culture de l’entreprise. Et aussi, ce qui est intéressant pour un dirigeant, c’est que finalement la fonction d’un dirigeant, c’est d’amener les troupes dans le même sens. Il y a une dimension collective qui est très difficile, surtout aujourd’hui dans notre société actuelle. Comment gérer toutes les individualités dans un mouvement collectif ? Donc, on peut vite s’arracher les cheveux sur le sujet. L’avantage de la qualité du travail, c’est que si justement, on l’aborde d’une façon collaborative, ça devient un sujet à portée collective puisque ça embarque aussi bien votre service RH, vos managers, vos collaborateurs, le comité de direction et vous, dirigeant. Donc, en fait, ça renforce la force d’un collectif d’entreprise tout en écoutant les individualités de chacun. Donc, c’est un sujet stratégique qui est intéressant à voir et surtout au service de la performance. Et c’est là où c’est important d’avoir des indicateurs stratégiques bien définis pour justement être dans quelque chose qui va être pertinent et pas s’épuiser dans des millions d’actions qui n’auraient pas forcément de sens.

[00:14:49.980] – JS Klein

Quand on parle justement d’indicateurs en termes de performance, et par rapport à ce que tu viens de dire, il y a deux choses qu’on peut relever : C’est d’un côté le fait de faire baisser certains indicateurs comme le turn over, comme l’absentéisme, les arrêts maladie – parce que plus on est épanoui au boulot, plus on est en forme pour bosser et plus on a envie d’en parler. Sur le côté de la marque employeur, sur le fait d’arriver à recruter des talents. Ça, c’est quelque chose qui va être important derrière pour créer justement ce collectif. Et le deuxième indicateur, qui est plus un indicateur direct c’est : Dans quelle mesure, par exemple, on arrive à améliorer la marge brute. Toi, dans les travaux que tu fais aujourd’hui, qu’est ce que tu mets en place ?

[00:15:28.840] – Laura De Angelis

En fait, il y a trois grandes familles d’indicateurs à surveiller et à mesurer. Déjà, les indicateurs RH comme tu disais donc des taux d’absentéisme, de turn over, des taux de démissions ou même d’arrêts maladie. Ça, c’est des choses qui sont mesurables et souvent mesurées. Et encore, je mets des parenthèses parce que beaucoup d’entreprises que je rencontre pensent à de la QVT sans même vraiment connaitre cet indicateur. Donc, les indicateurs RH, bien entendu, sont très importants parce que quand on est dans l’humain, il faut mesurer l’humain. Des indicateurs business, qu’on peut mesurer : que ce soit la satisfaction de vos clients, le nombre de plaintes que vous recevez, par exemple. Je travaille principalement avec des entreprises de services. C’est là où la QVT est d’autant plus importante puisque vos salariés sont en contact direct avec vos clients. Et c’est là où, finalement, le facteur humain est le plus d’incidence sur la performance de votre entreprise. Donc, forcément, c’est des choses qu’on peut mesurer à ce niveau là. Aussi, la fidélisation de vos clients, la qualité des relations qui sont tissées entre les clients et vos salariés, forcément, ça a un prix et ça s’impacte dans la fidélisation de vos clients. Ça peut être aussi bien sur la productivité de vos collaborateurs ou plus globalement, si on tire un petit peu les choses, la rentabilité de vos prestations ou de vos services. Parce que forcément, ça, c’est aussi des choses que l’on peut mesurer : forcément, si un collaborateur passe trop de temps sur une prestation, ça devient plus rentable. Et la question, c’est de savoir pourquoi ? Donc, il y a RH, Business, mais aussi des indicateurs sociaux qui sont très importants. Ça peut être la confiance en l’entreprise, en ses collègues, le stress au travail, son équilibre de vie, son bien être personnel… Et moi l’indicateur que je place souvent c’est : « prenez-vous du plaisir à vous lever le matin pour venir travailler ? »

[00:17:04.660] – JS Klein

Toi, dans tous les projets que tu mets en place, il y a cette notion fondamentale qui est : on doit mettre des indicateurs parce qu’il faut mesurer la réussite du projet. C’est à dire la réussite, pour toi, d’un projet de QVT, c’est la performance au niveau business. Ça doit remonter sur un élément stratégique.

[00:17:22.120] – Laura De Angelis

Tout à fait. Et souvent, beaucoup d’entreprises me parlent de ROI. Finalement, à quel retour sur investissement on peut s’attendre quand on investit dans la QVT ? Et quand on passe vraiment sur quelque chose de beaucoup plus structuré, est-ce que c’est certain que les actions ponctuelles sont plus difficiles à mesurer ? C’est sûr, quand on est un petit peu observateur, on voit l’impact que ça sur le climat social, sur la cohésion des équipes… Mais en fait, c’est un impact à court terme. Ce sont des événements qui font du bien dans la vie d’une entreprise. Ces choses là sont importantes. Mais ça a un impact à court terme. Et donc forcément, quand on structure des projets de QVT – moi, j’ai une vision un peu plus moyen à long terme – souvent, la première étape, c’est déjà de connaître votre centre de coûts, pour commencer à le réduire. Par exemple, beaucoup d’entreprises, déjà, ne connaissent pas forcément leur manque à gagner. Moi, souvent, je pars de là. Et avant de partir dans des projections, c’est finalement : combien ça vous coûte par an ? Par exemple, pour un indicateur qui, je pense, représentatif de tous, le sujet de l’absentéisme qui est assez fort en France. Donc, on parle de petit absentéisme qui est source souvent de désengagement ou un manque d’intérêt, parfois dans son métier. Sur une entreprise qui a 100 collaborateurs, l’absentéisme coûte 360 000 euros par an en frais fixes. C’est un taux moyen qui se situe entre 4 et 5%. Le taux de turn over vous coûte pareil sur une structure sur une base 100 collaborateurs, 450 000 euros par an. Parce que dès que vous changez de collaborateur, ça vous coûte 30 000 euros, etc. Donc souvent, déjà, il faut commencer par là. Mesurer combien ça vous coûte pour après pouvoir faire des projections sur les résultats qu’on peut attendre. Dès qu’on lance une vraie démarche sur la qualité de vie au travail, on peut s’attendre à quel type de résultats ? Par exemple, sur l’absentéisme, les études démontrent que vous pouvez faire en moyenne des économies de 90 000 euros par an. Ce qui n’est quand même pas négligeable. Donc, cela réduit votre absentéisme de 25%. Votre turn over aussi peut réduire de 28%. Investir dans votre capital humain, bien sûr, ça a du sens et surtout ça amène un nouvel indicateur en entreprise qui commence à apparaître de plus en plus, c’est le ROI capital humain. Et donc, en fait, c’est une équation assez simple. C’est prendre en compte tout ce que vous faites dans l’entreprise pour le capital humain : ça peut être aussi bien la formation, les événements, la QVT… et faire un ratio avec les bénéfices de votre entreprise. Et c’est là où vous avez votre ROI et qui est très variable d’une entreprise à une autre. Donc, il y a des indicateurs qu’on peut vraiment mesurer et c’est souvent ceux là qui font que les entreprises s’en préoccupent. Il y a des vrais sujets économiques, et c’est bien normal. Et petit à petit, il y a des indicateurs plus qualitatifs qui sont autour de l’innovation, la productivité, la capacité à mieux travailler ensemble, le développement de la notoriété, la marque employeur. Enfin, toutes ces externalités là qui, petit à petit, construisent la force d’une entreprise et fait qu’elle soit beaucoup plus performante dans le temps. Et la troisième question qui vient généralement, c’est « Oui, OK, je peux faire des économies, mais finalement, combien de temps ? Ça prend combien de temps tout ça? ». Et c’est là où je pense qu’il y a une vraie réflexion à avoir sur ces attentes là, c’est que forcément, le facteur de temporalité est extrêmement important dans la QVT. Changer l’humain, surtout dans une dimension collective, ça prend du temps. Donc, avoir une vision trop court termiste, c’est, je pense, être un peu trop utopiste. On ne peut pas avoir tous ces résultats d’un coup. Il peut y avoir des belles évolutions au bout de 6 mois, mais forcément, quand on s’embarque dans ce type de projets-là, des vrais résultats sont là au bout d’un an, un an et demi, pour mesurer des résultats à plus long terme. Mais en tout cas, ce qu’il faut avoir en tête, c’est que c’est un processus long puisqu’on est dans l’humain et qui souvent amène des changements.

[00:21:01.310] – JS Klein

Comme comme la plupart des projets de transformation, quoiqu’il arrive. Dès qu’on entame une transformation, effectivement, ça touche à l’humain, donc il y a une conduite du changement à apporter et ça prend du temps. Ce qui est intéressant, c’est de se dire que : non seulement tu peux faire des économies, tu peux aller chercher de la performance, mais si tu le fais pas, c’est à dire si tu travailles pas sur ces sujets, tu vas voir des indicateurs de pertes qui vont continuer à grossir parce que tes collaborateurs ne seront plus en phase avec l’entreprise. Et ça, ça peut être dramatique et surtout, et ça va encore augmenter le temps qu’il faudra pour faire machine arrière. C’est pour ça qu’il faut aussi se poser cette question : d’un côté, tu veux du gain, mais aussi tu veux arrêter de perdre.

[00:21:49.800] – Laura De Angelis

C’est ça, et souvent, moi les entreprises que je rencontre, elles savent ce qu’elles ne veulent plus perdre et c’est quelque chose qui est extrêmement douloureux parce qu’en fait, on arrive de plus en plus sur un marché qui est saturé. Il y a de plus en plus d’entreprises, de plus en plus d’offres. Donc, en fait, le capital humain est une denrée qui devient rare. Donc, attirer, développer, engager et fidéliser des collaborateurs, bientôt, faudra avoir fait l’ENA pour y arriver. C’est de plus en plus complexe et forcément, le monde du travail évolue, je trouve plus ou moins vite, à mon sens, pas assez vite. Mais il y a des mutations qui arrivent de plus en plus. Et là, je trouve que l’on arrive à un vrai tournant et que les entreprises se rendent compte qu’il y a un vrai sujet, qu’elles se sont peut-être épuisées pendant 10 ans sur des solutions que j’appelle un peu solutions pansements. Mais qu’en fait, il y a un vrai sujet là dessus et surtout, elles n’ont plus vraiment le choix. Les collaborateurs aujourd’hui, sans même avoir une conscience de tout ces indicateurs-là et de la perte que ça représente, ont des vraies attentes, des vraies souffrances, parfois aussi. Et finalement, c’est un petit peu le serpent qui se mord la queue. Mais en tout cas, ces entreprises-là aujourd’hui, je pense qu’elles ont conscience qu’il y a de plus en plus de changements sur ces sujets là et qu’il y a de plus en plus d’urgence à être de plus en plus compétitives. Parce que c’est ça, c’est ça le sujet finalement.

[00:23:11.690] – JS Klein

Le sujet de la QVT, en fait, me fait penser un peu à la mise en place des plates formes RSE dans les entreprises – donc la RSE, la Responsabilité Sociétale et Environnementale des entreprises – qui est un sujet qui est en train de prendre une ampleur phénoménale, notamment à cause du changement climatique, mais aussi de tous les changements sociétaux qu’on est en train d’observer. Et on sent que la QVT est intégrée dans la RSE. Alors souvent, quand on parle de RSE, quand on a préparé ce podcast, tu me disais souvent quand on parle de RSE, les boites voient que la partie environnementale, le S, c’est pour Sociétal et donc QVT est un élément de l’approche sociétale. Et on sent que c’est un peu la même démarche, c’est à dire qu’on est sur une grosse transformation, c’est quelque chose qui va prendre du temps, mais c’est quelque chose d’important. Est ce que c’est quelque chose que toi tu vois souvent de paire dans les entreprises ou pour le coup, c’est encore traité de façon très différente ?

[00:24:05.180] – Laura De Angelis

En termes de maturité d’entreprise, c’est vrai que le paysage est assez sclérosé, je dirais. Ce qui est certain, c’est que oui, la QVT fait partie de la RSE, parce qu’en fait, la RSE regroupe les 17 objectifs de développement durable les Nations-Unies, les fameux ODD dont on entend parler et d’ailleurs l’accès à la santé et au bien être, de mémoire, c’est le troisième objectif, donc pas arrivé en dernier ! Donc ça en fait partie. Et pour beaucoup d’entreprises, la QVT et la RSE, ça n’a rien à voir. La RSE, en effet, c’est très autour de l’environnement : sensibiliser les salariés à ça et mettre des actions en place et limiter son empreinte carbone, ses externalités négatives. C’est pour ça, moi, je dis souvent avec Sanaé, on fait du développement durable, humain, ça va de pair. Il faut avoir une planète saine, il faut forcément des hommes et des femmes sur cette planète aussi, qui alimentent ce système-là. Donc, pour moi, il y a tout simplement un manque d’information. Parce que déjà on se perd, il y a beaucoup d’acronymes, de façon générale, du monde du travail. Sur ça on ne peut pas tellement en vouloir à ceux qui ne font pas forcément le lien. Mais c’est vrai qu’il y a une passerelle qui ne se fait pas forcément et qui, pourtant, pourrait être intéressante parce que finalement, la responsabilité sociale d’une entreprise, elle, va beaucoup plus loin que les quatre murs de l’entreprise. Souvent, donc, pour expliquer ce qu’est la RSE aux entreprises, j’utilise un schéma de 4 noyaux différents. Le premier noyau, c’est le bien être de vos collaborateurs qui, forcément, a une externalité positive et directe sur la satisfaction de vos clients, qui donc est, le deuxième noyau. Le troisième noyau, amène la performance de votre entreprise puisque « Salarié heureux + Client heureux = Entreprise performante » et le quatrième noyau, c’est la santé de la planète. Faire comprendre, sur ce spectre là, qu’une entreprise a une responsabilité aussi bien en interne auprès de ses salariés, mais de façon générale auprès de la société dans laquelle elle évolue.

[00:25:52.790] – JS Klein

En fait, finalement, la QVT est au cœur de la transformation RSE.

[00:25:56.680] – Laura De Angelis

Pour moi, c’est un pilier fondamental.

[00:25:58.300] – JS Klein

Et c’est ce qui est assez intéressant, c’est que l’approche RSE qu’on va voir dans les entreprises, c’est souvent vu comme quelque chose parce qu’il qui commence à avoir un cadre légal, il y a des obligations légales. C’est souvent pris encore  plutôt comme une contrainte qu’une opportunité, alors que réellement, la RSE et la QVT, c’est une opportunité pour se démarquer, pour être compétitif, pour aller chercher des points de performance que les autres n’ont pas. Et potentiellement, c’est là dessus qu’il faut miser. Ce qui permettra derrière de transformer aussi nos entreprises dans le temps. C’est à dire, on ne regarde pas deux ans, on regarde 5, 10, 15, 20 ans sur comment les entreprises vont pouvoir évoluer là dessus.

[00:26:34.660] – Laura De Angelis

C’est ça, mais c’est un vrai enjeu de compétitivité aujourd’hui parce que, à mon sens, plus le temps passe, plus ça devient un enjeu de survie. Tout simplement. C’est que là, on l’a bien vu en plus avec la crise sanitaire : les entreprises travaillent de plus en plus à devenir plus résilientes, se tournent vers des modèles plus durables. Que ce soit dans leur façon de travailler, de consommer, de produire ou de traiter leurs salariés. En fait, il y a des mutations de société qui arrivent et qui font que les entreprises n’auront plus tellement le choix à long terme, puisque certaines ont déjà pris le pas à des années bien plus tôt qui ont pris le parti par exemple d’être labélisées. Il y a beaucoup plus de l’abbé RSE qui attestent que votre entreprise correspond finalement, ou agit dans le cadre de la RSE, et décide de s’entourer de fournisseurs ou même de clients, de prestataires, de partenaires qui sont aussi dans cette charte qualité et RSE. Même, finalement, les PME ou les TPE vont être de plus en plus soumises à ce type de charte-là pour finalement continuer à faire du business et faire toujours partie d’un écosystème qui, petit à petit, se transforme vers quelque chose qui est beaucoup plus, beaucoup plus respectueux et forcément, où la RSE va être déterminante.

[00:27:48.700] – JS Klein

D’où l’intérêt de le faire le plus tôt possible pour le faire proprement et pas le subir au moment où c’est tes clients qui vont te l’imposer. On arrive au bout de cet épisode. J’ai une question que je vais poser à toutes les personnes avec qui j’ai des conversations. Laura, si tu avais une baguette magique et que tu pouvais transformer quoi que ce soit, qu’est ce que tu ferais ?

[00:28:12.610] – Laura De Angelis

Si j’avais une baguette magique je pense que je transformerais beaucoup de choses, c’est sûr. Mais moi, vraiment, si je pouvais transformer quelque chose, ce serait que le travail se transforme en une source de plaisir et d’épanouissement pour tous, quel que soit votre âge, votre catégorie socioprofessionnelle ou votre métier. Ça, c’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur.

[00:28:34.330] – JS Klein

Merci beaucoup Laura ! C’est la fin de ce podcast. Où est-ce qu’on peut te suivre ou retrouver ?

[00:28:38.750] – Laura De Angelis

Alors vous pouvez me retrouver sur mon réseau social personnel, surtout LinkedIn et Sanaé sur LinkedIn et sur Twitter aussi.

[00:28:46.990] – JS Klein

Sanaé : S A N A É

[00:28:50.000] – Laura De Angelis

Ou sur notre site https://sanae.care, où vous pouvez vous inscrire à une newsletter pour recevoir une fois par mois des conseils dédiés aux dirigeants et DRH pour les aider et les inspirer à développer leur capital humain. Donc, pour tous ceux que ces sujets intéressent, vous pourrez rejoindre la communauté de mail.

[00:29:07.150] – JS Klein

Allez y ! C’est super intéressant. Inscrivez-vous parce que ça va sûrement vous donner des idées sur comment améliorer les conditions de travail de vos collaborateurs et commencer à aborder les challenges qui vont arriver dans l’avenir. De notre côté, on se retrouve bientôt pour un nouvel épisode de Tout Se Transforme. D’ici là, évidemment, vous pouvez nous retrouver sur les réseaux sociaux, LinkedIn et Twitter, ou sur le site https://toutsetransforme.fr. Si vous avez aimé cet épisode, surtout, partagez le ! C’est très important pour nous ! Parlez-en autour de vous. Merci beaucoup, Laura, merci d’être venus.

[00:29:39.610] – Laura De Angelis

Merci à toi !

[00:29:40.480] – JS Klein

Et à bientôt !