Le mythe du manager héros – bye bye Superman !
Vous l’avez bien en tête ? Ce manager en costard, la chemise parfaitement repassée, qui arrive le premier et part en dernier. Souriant. Confiant. Autoritaire et craint. Tellement “parfait” et quasiment inhumain, au point qu’il pourrait presque être le couple de l’année avec Chat GPT. Tout passe par lui, il est incontournable. La pièce maitresse d’une machine bien huilée. Bien évidement, derrière cette façade, il y a des fêlures, des doutes, des craintes… et probablement de l’épuisement.
Ce modèle est encore bien présent, et pourtant, quand on le rencontre aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de sentir comme un petit effet anachronique, presque amusant. Comme si le monde avait changé autour de lui, et qu’il était resté bloqué dans un modèle mental de 1985.
Parce que oui, si ce modèle a fait ses preuves dans un monde économique stable, il s’avère que tout a changé. Plus d’incertitude pour l’entreprise, plus de complexité, les attentes des collaborateurs ont évoluées. Difficile pour une seule personne d’avoir l’ambition de tout contrôler tout en évitant le burn out.
Et si, en essayant une autre approche, on pouvait avoir de meilleurs résultats tout en étant plus disponible ? Et si, en fin de compte, on pouvait avoir une équipe tellement autonome qu’on devient inutile ? “Avec des si on refait le monde !” Ah ! Excellente idée ! Faisons ça !
On est mieux à l’horizontal
First step first. Pour évoluer il est nécessaire de se rappeler de l’essentiel : quelle est la première mission du manager ? En une phrase : le manager doit créer le contexte le plus favorable pour permettre à son équipe de délivrer le plus de valeur possible à l’entreprise. A cet effet, il a en sa possession toute une palette d’outils. L’aspect “directif” en fait partie, contractuellement, mais il est souvent mal utilisé. De nombreux managers confondent en effet leur position hiérarchique verticale avec une supériorité en compétence vis-à-vis de leur équipe. Le meilleur moyen de créer une rupture avec leurs collaborateurs, et de tuer toute dynamique d’amélioration continue de l’équipe.
La vision verticale dans le rôle du manager n’a qu’un seul but : arbitrer quand des opinions divergentes amène à une situation de statu quo, réaligner rapidement en situation de crise. Point.
Pour tout le reste, le manager doit avoir une posture humble. Ses années d’expérience doivent l’obliger à une posture de sagesse et d’écoute. Il doit encourager les initiatives, transmettre son savoir tout en acceptant qu’il évolue. Il doit être un guide plus qu’un chef.
Oser la confiance
Une fois qu’on accepte ce rôle dans sa posture horizontale, alors on ouvre la porte à un élément fondamental : la confiance. Faire confiance à son équipe, et lui donner les preuves qu’elle peut avoir confiance en vous.
Je parle ici d’une confiance inconditionnelle. Pas de “je te fais confiance mais si tu pouvais tous les soirs me faire un reporting détaillé de ton activité ça serait mieux”.
Au risque de choquer certains indécrotables du management à papa : non, les salariés d’une entreprise n’ont pas pour première ambition de tenter d’en faire le moins possible. C’est même plutôt l’inverse : tout le monde essaye de s’épanouir dans son job. On y passe 7h hors taxes par jour, alors autant y trouver du sens. Et bien sûr, on comprend aisément que cette motivation peut facilement être effacée par un manager qui vous montre qu’il n’a pas confiance en vous. Dès lors, chaque tâche devient plus pénible, et on a tendance à essayer de limiter cette pénibilité…
Mais le vrai trésor pour le manager c’est qu’en faisant confiance à son équipe, il n’a plus besoin de passer son temps à contrôler ce qui est fait. Il peut se concentrer sur ce qui est important : l’humain et l’amélioration continue. On entre dans un cercle vertueux.
Alors, j’entends au fond de la salle certains dire “Ouiiiiiii, mais quand il y a des conne bêtises qui sont faites, s’il n’y a pas de contrôle, c’est le manager qui ramasse”. Et ça nous amène à la question du courage.
Courage !
Tenter d’annihiler les erreurs est une hérésie. L’erreur fait partie du processus. Elle est source d’apprentissage. Le rôle du manager dans ce cadre est multiple :
- Pour éviter les erreurs “évidentes” ou “graves”, on doit créer un cadre de travail clair. Voici le terrain de jeu pour chacun. Voici les règles du jeu. Voici pourquoi ce cadre existe.
- Une fois le cadre posé, deux types d’erreurs peuvent subvenir
- Le manquement aux règles, la sortie du cadre. Dans la plupart des cas, le collaborateur n’aura pas volontairement enfreint les règles. Peut-être ne les avait-il pas bien assimilées, peut-être ont-elles été mal expliquées. Dans ce cas, il faut s’assurer auprès de toute l’équipe que le cadre et les règles sont clairs.
- Les cas limites. Ce qui n’a pas été prévu. Dans ce cas il faut adapter le cadre.
Dans tous les cas, il est toujours nécessaire de se poser la question “Quelle suite d’événements a amener à cette erreur ? Quelle est la cause primaire ?”. On adore trouver des responsables pour les sanctionner, et en général c’est le dernier maillon d’une chaîne d’événement. Il est plus utile de s’intéresser à améliorer le système en identifiant les causes profondes.
Première leçon de courage donc : ne pas tomber dans la facilité de la sanction, mais faire preuve de compréhension, et travailler avec son équipe pour améliorer le système.
Parfois les erreurs vont avoir un impact plus profond sur l’entreprise, ou sur une relation avec un client par exemple. Dans ce cas, le manager doit être en première ligne. Il doit prendre les balles. Ne jamais se défausser sur son équipe. Il partagera ensuite les conséquences avec l’ensembles des membres de son équipe. L’erreur est la conséquence d’un dysfonctionnement collectif, même si c’est une personne qui a appuyé sur le bouton.
Deuxième leçon de courage : assumer au nom de l’équipe.
Mais le courage ne s’opère pas que dans la tempête. Faire preuve de courage c’est aussi accueillir avec bienveillance les idées, le changement, tout ce que l’équipe peut proposer pour améliorer le système. Accepter de tester. Même si “on sait que ça ne marchera pas”. D’une première idée peut émerger quelque chose de nouveau.
Troisième leçon de courage : soyez ouvert au changement et aux innovations portées par votre équipe.
Enfin, comme votre équipe grandit, les ambitions de vos collaborateurs aussi. Acceptez qu’ils vont parfois vouloir aller voir ailleurs pour prendre d’autres responsabilités. Acceptez aussi qu’en fin de compte, vous devrez aussi leur laisser la place. Pour paraphraser une phrase connue, vous n’héritez pas du poste de votre prédécesseur, vous l’empruntez à un membre de votre équipe.
Objectif : être inutile
Reprenons nos trois piliers :
- Adopter une posture horizontale
- Faire confiance
- Être courageux
Ces principes vous permettront de créer un contexte favorable à l’épanouissement des membres de votre équipe, ce qui aura pour conséquence sa performance (en terme de création de valeur). Mais voilà, pour arriver à adopter cet état d’esprit, il faut un driver. Une étoile qui nous guide. Mon conseil : mettez-vous en tête que votre objectif ultime est d’être inutile pour votre équipe. Vous devez pouvoir vous absenter sans que l’équipe s’en aperçoive. Vous allez pouvoir prendre plus de temps pour vous, du temps précieux pour vous nourrir et en faire bénéficier l’équipe. Tout ça sans que ça se ressente sur la performance.
Alors j’entends encore au fond de la salle (toujours les mêmes décidément) “Ouiiiiiii mais si on ne sert plus à rien on va se faire virer”. Oui et non.
Non, parce que ça reste une utopie. Votre valeur pour l’équipe va évoluer. Vous allez vous concentrer sur les femmes et les hommes qui la compose. Sur l’amélioration du système. Sur l’ouverture vers l’extérieur. Bref, si vous êtes curieux, vous ne manquerez jamais de sujets. Et votre valeur vis-à-vis de l’organisation ne sera plus à démontrer.
Oui, parce que c’est vous même qui allez vous virer. Une fois que tout sera en place, vous allez chercher de nouveaux challenges.
Si cet état d’esprit aurait pu faire doucement rigoler dans les années 90, de nombreuses entreprises ont aujourd’hui adopté des philosophies qui s’en rapproche en terme de management (entreprises libérées, management de service, etc.). Evidement, pour que ça fonctionne, il faut aussi que le contexte dans lequel le manager est lui-même managé soit favorable. Et parfois, ça demande une évolution de la culture profonde de l’entreprise. Et ça tombe bien, car c’est là dessus que Tout Se Transforme peut vous accompagner !